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Aux confins de l’Asie et de l’Europe, la Turquie

Nos premiers kilomètres en Turquie nous rattachent toujours au continent européen, mais l’Orient est déjà à portée de roues.

Nous avons rendez-vous à Istanbul avec Mirhan, le père d’une amie. Il nous a gentiment rapportés de France diverses pièces mécaniques. Notre premier bivouac se passe devant son lieu de travail, une usine de textile. Le lendemain à six heures, le muezzin lance haut et fort son appel à la prière. A notre réveil un accueil chaleureux nous attend, thé, café turc et petit-déjeuner. Ca y est, nous sommes enfin en Asie !

L’étape stambouliote n’est pas vraiment touristique, c’est surtout l’occasion de travailler sur la voiture et de faire nos demandes de visas. En effet, nous avons fait le choix de ne les prendre qu’au fur et à mesure de notre avancée. C’est parti pour le parcours du combattant dans les ambassades des dictatures des ex-pays soviétiques ! Notre première requête concerne l’Ouzbékistan. L’ambassade est située très loin du centre-ville et il faut bien une heure et demi de transport divers et variés pour l’atteindre. Pas de panique, il y toujours quelqu’un prêt à aider le touriste perdu dans la ville. Un chemin très raide éprouve l’organisme et emmène le quémandeur à bout de forces à l’entrée du consulat. C’est dans un souffle que je parviens à articuler : « Do you speak english ?». Le guichet, où il faut se plier en deux pour parler, se ferme aussi sec ! Finalement au bout d’un long moment, quelqu’un daigne me parler en anglais et m’explique ce dont il a besoin pour prendre en compte ma demande visa en finissant par un sympathique : « Quick ! ». Les délais sont très longs et il nous faut plus d’une semaine avant d’espérer avoir une réponse à notre demande. Non pas que leur système administratif soit défaillant, mais tout simplement en réplique aux difficultés que les gens de ces pays rencontrent pour obtenir des visas pour les pays européens. C’est de bonne guerre.

Nous décidons de nous éloigner d’Istanbul en attendant ce visa. La vie ici est très chère car c’est un lieu touristique. La ville se métamorphose à vive allure. Notre dernier passage ici date de 2006 et en six ans nous ne reconnaissons déjà plus certains quartiers populaires, transformés en boutique à souvenirs. La ville est gigantesque, la circulation est infernale aussi bien sur terre que sur mer et la pollution recouvre le tout. Istanbul reste malgré tout une cité magnifique et chargée d’histoire, point de passage entre l’Europe et l’Asie.

Nous allons vers le Nord et établissons notre campement à Sile, au bord de la mer Noire. Après Istanbul nous retrouvons le calme d’un petit village de pêcheurs qui conserve tout son cachet avec ses vieilles maisons de bois. Une plage nous attend pour poser l’Isbamobile et parfaire sa transformation encore et toujours. L’occasion aussi pour Marc de répondre à une de ses questions : « Est-ce que le drone flotte sur l’eau ? ». Hé bien non, le drone coule à pic et Marc doit se jeter tout habillé dans la mer pour aller le sauver de la noyade.

Nous revenons à Istanbul pour le deuxième acte du visa ouzbèk. La bonne nouvelle, c’est que notre demande de visa a été acceptée. La mauvaise nouvelle c’est qu’il n’est pas encore prêt et qu’il nous faudrait encore attendre une semaine. Mais le cerbère de l’ambassade se déride et me propose gentiment de nous l’envoyer dans un consulat ouzbèk de notre choix. Nous décidons de nous le faire envoyer à Ankara où nous devons nous rendre pour faire les demandes de visas kazakhs.

ArticleTurquie0039A Ankara aussi la ville change très vite. Tout le quartier autour de la citadelle est en restauration. Les promoteurs auront bientôt raison de ces vieilles maisons croulantes qui abritent des familles pauvres. En attendant notre visa Kazakh, nous en profitons pour repartir le nez au vent, ouvrant nos yeux à la découverte. Nous visitons le mausolée d’Atatürk et le Musée qui lui est dédié. Des odes en l’honneur du grand homme et de son œuvre côtoient de nombreux tableaux et photographies. Des objets de son quotidien sont pieusement conservés : costumes, chapeaux, pyjamas, chaussettes et même son chien empaillé ! Ce lieu est édifiant et surtout très effrayant. Un tel culte de la personnalité fait froid dans le dos et rappelle les « meilleurs » moments du communisme.

La neige commence à faire son apparition sur les montagnes autour d’Ankara et même dans la ville. Une fois nos visas en poche, nous filons vite vers la Cappadoce où nous espérons faire de belles images sous la neige.

Cette région a elle aussi beaucoup changé depuis notre dernier passage. Les sociétés qui proposent aux touristes des voyages en ballon se sont multipliées et désormais plus d’une centaine de ballons peuvent voler par jour.

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ArticleTurquie0041Du monde entier, les gens viennent faire un survol de la région. C’est une vraie manne économique mais qui prend des proportions très inquiétantes. La pression et l’enjeu monétaire est tellement fort que les compagnies sont prêtes à voler quelles que soient les conditions climatiques. Nous prenons rendez-vous avec Kappadokia Balloon et attendons 3 ou 4 jours que la météo nous permette de faire un vol. Enfin, le ciel se dégage et le vent se calme, nous pouvons décoller.

Une heure d’un spectacle hallucinant où nous n’entendons que les touristes malaisiens qui s’extasient à nos côté, le bruit de la flamme dans le ballon et les clics frénétiques de nos appareils photos.
La neige n’est pas au rendez-vous en Cappadoce mais le froid commence à tomber. Nous prenons la route de l’Anatolie, située dans le Sud Est de la Turquie. Nous prévoyons de passer le réveillon de noël au sommet du mont Nemrut Dag.

Il s’agit d’un mausolée titanesque créé par le roi Antiochos Ier au Ier siècle avant Jésus-Christ. Situé à plus de 2200 mètres d’altitude, il se compose de statues colossales dédiées au culte du souverain et aux dieux. Que de neige ici,  il est impossible de monter en voiture. Nous abandonnons l’Isbamobile pour une ascension de dix kilomètres et de 1200 mètres de dénivelés dans la neige.
ArticleTurquie0008En plus du matériel photo, nous transportons, en bons et braves petits baudets : nos sacs de couchage, une tente, un kilo de gâteaux turcs, un réchaud, trois litres d’eau, un kilo de viande rouge, une bouteille de champagne…etc.
Autant dire que l’ascension qui dure cinq bonnes heures ne se fait pas sans douleurs. Mais notre entêtement paye quand nous arrivons au sommet. Une cafétéria dont nous avions récupéré les clés au village nous attend pour la nuit. Couverte de neige et de glace, battue par les vents l’architecture est étonnante sur un fond de coucher de soleil. Nous avons la satisfaction et la fierté d’avoir vaincu le Nemrut Dag en plein hiver! Au matin les statues que nous souhaitions tant atteindre émergent de la neige, méconnaissables, telles des fantômes de glace.

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Nous redescendons allégés de quelques kilos et les jambes un peu lourdes de la veille, direction l’Est de la Turquie. Nous passerons rapidement sur les litres de thé que nous avons pu ingurgiter dans cette partie du pays. A chacun de nos arrêts, en ville ou au milieu d’un champ, surgit toujours un turc avec des verres de thé à la main !

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Ce sont déjà nos derniers jours en Turquie après six semaines passés ici. Nous remontons vers le Nord Est du Pays et la neige ne nous quitte plus. Une ascension du Mont Ararat nous tente bien un instant, question de fêter dignement le passage à la nouvelle année 2013, mais une tempête de neige réfrène nos ardeurs. Nous décidons de nous établir à Ani, citadelle médiévale située sur une des routes de la soie. C’est un lieu reculé, séparé de l’Arménie par une gorge profonde. L’accès au site s’effectue par de petites routes enneigées. A un kilomètre de l’arrivée nous faisons, comment dire, notre premier refus d’obstacle ?

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Plus moyen d’avancer ni de reculer, l’Isbamobile est coincée dans la neige. Calmement nous nous activons. Marc prend la pelle pendant que je dégonfle les pneus. Nous sortons le treuil arrière, l’accrochons à un poteau en bord de route en priant pour qu’il supporte nos quatre tonnes. L’efficacité est diabolique et nous sortons somme toute assez rapidement de notre fossé. Nous arrivons pour le coucher du soleil à Ani. Les températures baissent de plus en plus et le froid mord le visage. Nous tentons d’allumer le chauffage, mais il refuse obstinément de démarrer en raison de notre trop haute altitude. Il fait -25 degrés dehors et peut-être -15 dans la voiture. Heureusement que nos duvets sont chauds, mais tout ce qui est liquide se transforme irrémédiablement en glace dans la voiture. L’eau bien sûr mais aussi le savon, le tube de dentifrice ou le plastique qui se met à casser net. C’est en grelottant un peu que nous écrivons 2013 dans le givre qui couvre la bulle à l’intérieur de l’Isbamobile.

Nous vous souhaitons une très bonne et surtout une très chaleureuse année 2013!