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Impression soleil levant

Après notre périple au Kamtchatka, nous avons besoin d’un nouveau challenge. Si nous avons atteint notre objectif premier, il nous faut désormais trouver un second souffle sur ce voyage. L’Isbamobile a beaucoup souffert, et il n’est plus envisageable de passer l’hiver en Yakoutie. Une idée fait lentement sont chemin : « Et pourquoi pas le Japon ? ». C’est décidé, en route vers l’archipel nippon ! Nous organisons en urgence notre transfert en ferry depuis Vladivostok. À peine le temps de dire ouf que nous sommes projetés dans une autre dimension. Petites voitures et uniformes partout, c’est un peu comme rentrer dans un monde de Playmobil : « En avant les histoires » !

Japon_22À la vitesse éclair de 50 Km/h maximum autorisé, l’Isbamobile vrombit, entourée de lapin. Non nous n’avons pas abusé de saké, puisque le degré d’alcoolémie toléré au volant est de zéro. Il s’agit de mini voitures qui portent ce nom, sans doute parce qu’elles se sont reproduites très vite ? Trêve de plaisanteries, voilà un exemple qui prouve bien à quel point nous ne connaissons rien à ce pays. Nous aurions imaginé des Land Cruiser partout, mais il n’en est rien. Quant au lapin, c’est tout simplement un signe de bonheur. Jamais il ne viendrait à l’idée d’un japonais d’en mettre un dans son assiette. Ceci pour dire que nous sommes spectateurs de codes qui nous échappent totalement. Beaucoup de règles, strictement observées, une politesse excessive et une grande retenue dans le comportement sont les premières choses qui choquent les latins que nous sommes. Elevés à la sauce française, où l’idée serait plutôt : « Comment transgresser la règle ? », le choc culturel est total.

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Grâce à un ami d’enfance de Marc, Fabrice, et à sa femme japonaise Natsuko, nous parvenons un peu mieux à comprendre le Japon. (…voir « il était une fois…une famille franco-japonaise). C’est dans leur appartement de Tokyo que nous les rejoignons, avec une longue liste de questions. Fabrice nous précise tout de suite qu’il faut toujours demander avant de prendre les gens en photos, et surtout ne jamais tenter tirer le portrait des yakusas. « Baston garantie ! » : se souvient-il, fort de sa propre expérience. Il évoque également les difficultés des relations et la pression sociale : « Saviez-vous qu’il existe des agences pour louer des amis ou un amoureux pour la soirée ? ». Nous tombons des nues. Le Japon est à tellement l’exact opposé de nos sociétés occidentales. Chez nous, l’individu prime sur la communauté. Ici le « nous » prédomine au détriment du « je ». Pourtant, les gens se parlent volontiers entre eux, même sans se connaître. Nous pensions également que les rencontres au Japon seraient rares, mais il n’en est rien. Les japonais sont très curieux et viennent volontiers nous voir pour échanger avec nous. Beaucoup d’a priori tombent les uns après les autres, des légendes aussi.

Nous avons la chance de tomber à Tokyo au moment où l’un des tournois de Sumo s’y déroule. Ambiance surchauffée dans l’assistance, où la retenue n’est plus de mise. Au grand dam des japonais, les champions actuels sont mongols. Nous sommes stupéfait d’apprendre que les jeunes sumos en devenir ont pour obligation d’essuyer leurs aînés quand ils vont aux toilettes. Un rite de soumission certes mais rendu nécessaire à cause de leur surpoids, cet exercice étant assez difficile à effectuer eux-mêmes. Un mythe s’effondre.

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Avant de venir ici, nos amis russes s’étonnaient : « Mais qu’allez-vous faire pendant deux mois et demi au Japon, c’est un si petit pays ? ». Effectivement au regard du territoire russe, rien de comparable. Pourtant, il y a tant de choses à faire et à voir ici. Le Japon nous séduit par son patrimoine historique, naturel et culinaire. Tout y est très visuel, très épuré et dans une quête de perfection qui fait écho en nous. Si le rire est notre façon de désamorcer certaines situations qui nous paraissent surréalistes, nous ne pouvons que témoigner d’un profond respect pour cette civilisation. Il faut quand même avouer qu’ils ont du mérite à vivre sur un territoire soumis à tant d’aléas naturels. Entre typhons, tremblements de terre, tsunamis, incendies, glissements de terrains et éruptions volcaniques, de quoi mieux appréhender pourquoi cette société est en recherche de contrôle permanent.

Japon_15Japon_14Pour exemple, dans les choses que nous voulons absolument voir ici, figure en tête les macaques japonais se baignant l’hiver dans les sources chaudes. C’est près de Nagano que se situe l’un des sites les plus célèbres pour pouvoir les observer. L’accès en est payant et offre un spectacle incroyable. Ce n’est pas tant la vue des singes qui font trempette dans l’eau chaude qui nous fascinent, mais l’organisation et la mise en scène. Autour d’un bassin, se masse des dizaines de photographes. Un employé se charge de nourrir les bêtes et de nettoyer le lieu régulièrement. À l’heure de la fermeture, les singes quittent peu à peu l’endroit. Alors ces macaques japonais, animaux sauvages ou intermittents du spectacle ?

Il serait trop ambitieux de vouloir décrire le Japon ou notre périple en quelques lignes. C’est décidément une constante, même sur un long périple, que d’avoir cette sensation de n’avoir fait qu’entrapercevoir les choses. Mais c’est sans doute ce sentiment un peu frustrant qui pousse à repartir un jour dans ces mêmes contrées où nous sommes déjà venus. Une spirale infernale pour tenter de trouver des réponses qui amèneront forcément de nouvelles questions. Et c’est ainsi que se développe l’addiction au voyage.

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