[ Retour ]

« Art. précédent : Kerguelen
Inde du Nord : Art. suivant »

Islande

De glace et de feu

L’Islande expose aux voyageurs non frileux une palette de paysages impressionnante de richesse. De champs de lave en glaciers, les itinéraires possibles sont si variés qu’ils surprendront les globe-trotters les plus exigeants. Récit d’un raid touristique de 3800 kilomètres à la découverte de cette île volcanique très jeune. Une sorte de come-back géologique sur la naissance du monde…

Texte et Photos : Marc Mellet (publié dans l’intégral, 2001)

ISLANDE-MELLET026MelMarc5-030

MelMarc5-037Le jour J, dix autos et deux motos sont au départ de Paris. Le nombre restreint de motos ne nous inquiète guère ni l’un, ni l’autre. La Honda 400 XR de Patrick, mon compagnon motard, trahit ses habitudes d’enduriste averti. Coutumier des raids touristiques, sa monture est optimisée pour cela : réservoir supplémentaire, Trip Master et dérouleur de road-book en sont la preuve. Ma Honda Dominator, prêtée par l’organisation, ne peut pas en dire autant puisqu’elle n’est pas encore révisée de ses dernières pérégrinations. Nous verrons cela lors de notre stop aux îles Féroé.

Le premier road-book, nous apprend que 1368 km séparent la région parisienne de Hanstholm au Danemark. Nous y avons rendez-vous dans presque 36 heures pour les formalités d’embarquement. Afin de préserver le matériel et faire connaissance, c’est en voiture que nous accomplirons cette première étape, les motos étant attelées à une remorque. Cap au nord à l’assaut de la monotonie du réseau autoroutier européen.

Aux îles Féroé, escale de charme de deux jours et demi imposée par la Smyril Line, la météo capricieuse augure de ce que sera le temps en Islande : un jour : ciel bleu, le lendemain : ciel gris et le surlendemain : pluie. Tandis que les autos passent leur temps à chiner le long des fjords, nous attaquons à la remise en état de la Dominator. Vingt-quatre heures plus tard, je découvre à mon tour les enchantements de l’endroit avant de reprendre le bateau. Le matin de l’arrivée, la mer démontée entre Féroé et Islande se lit encore sur les visages. Le bateau accuse quelques heures de retard, mais l’excitation est bien là : nous sommes en Islande.

Sitôt le nouveau road-book distribué, les autos disparaissent. La première étape comporte 270 km, dont une faible proportion de pistes. Le temps de s’équiper, faire du change, acheter une carte, la route est à nous. La nationale 1, l’axe principal qui fait le tour de l’île est assez intéressant dans sa partie sud-est puisqu’elle serpente entre les fjords. Le premier contact avec la piste est des plus positifs ; au départ de celle-ci un panneau en interdit l’accès à d’autres véhicules que les tout-terrains. Type d’attention que l’on aimerait voir en France plus souvent. Notre road-book indique déjà des gués qui n’existent plus. Patience, ce sera pour plus tard. Les pressions des pneus encore prévues pour la route nous offrent quelques belles glissades. Et tandis que nous longeons le plus grand glacier d’Europe, le Vatnajökull, le froid gagne Patrick qui est resté en pantalon de cross. Le thermomètre batifole alors avec les sept degrés. L’arrivée de l’étape au lac Jökulsarlon pendant que le soleil amorce sa descente est fantastique. À cet endroit, le glacier se déverse dans ce lac rempli d’icebergs qui rejoignent lentement la mer. Nous avançons en convoi jusqu’à une bergerie qui nous sert de refuge. La lumière disparaît vers 22 h 30 pour réapparaître vers 4 h. Pas encore habitués à cette luminosité permanente, la première nuit sera assez courte.

À huit heures zéro zéro, avec une rigueur toute militaire, nous prenons en convoi la direction de Laki une région couverte de volcans de sable noir recouvert de mousses d’un vert phosphorescent.

MelMarc5-026

MelMarc5-038La météo capricieuse ne nous permet pas de jouir pleinement du spectacle : nos lunettes sont pleines de buées. Nous faisons connaissance avec la principale difficulté de ce voyage : les gués. En Islande, ils sont légion. Une initiation rapide permet de déjouer les pièges les plus évidents. Il faut par exemple éviter de passer dans les traces des autos, stabilisées mais bien plus profondes que la risée. L’émotion est à son comble puisque pour beaucoup, il s’agît d’un baptême. Pourtant, tous passeront sans problème. Il est vrai qu’au mois d’août, les gués n’ont rien à voir avec ceux de début juillet où la fonte des neiges est alors intense. Gué important ou non, nous en sommes quitte pour avoir les pieds mouillés en permanence, chacun ayant sa propre technique à ce sujet. Patrick est parti avec une paire de bottes trouées pour évacuer rapidement l’eau alors que j’ai tenté le coup des bottes neuves. Ni l’un, ni l’autre n’avons trouvé la solution miracle même assisté de sacs-poubelle. Cette humidité permanente nous vaudra l’estime de tout le groupe qui dont les membres rivaliseront de gentillesses pour nous remonter le moral.

Le soir, mon compagnon de route remarque que nos pneus s’usent à une vitesse inquiétante. Pourtant neuf au départ, il leur manque déjà un tiers des crampons. La nationale 1 est constituée d’un asphalte fait de roche volcanique très abrasive. La vitesse des liaisons routières sera désormais de soixante-dix kilomètres/heure maximum. L’expérience nous montrera que les pistes cassantes sont aussi très corrosives.

Au fil des jours, nos pilotages se familiarisent avec les difficultés du terrain. Notre rythme est bien supérieur aux autos si bien que nous avons souvent à ouvrir la voie. Or en Islande, les pistes changent très rapidement puisque le pays s’équipe à la vitesse grand V d’un réseau routier de première qualité. Les gués sont asséchés, des ponts sont construits et les pistes qui serpentent sont remises dans le droit chemin. Dans quelques années, la nationale 1 sera entièrement asphaltée, la majorité des gués n’existeront plus. Tout cela justifie l’intérêt de venir le plus tôt possible profiter des splendeurs du pays, des paysages et de ses pistes. En revanche, notre road-book qui est modifié d’une année sur l’autre présente quelques imprécisions parfois stressantes quant à la certitude d’être dans la bonne direction.

MelMarc5-032Ce fameux jour où après deux heures dans un champ de lave, sous une pluie glaciale, nous n’avons pas vu le Y décrit sur le papier restera dans nos mémoires. La piste très trialisante nous en a fait voir de toutes les couleurs, de grosses saignées et des bourbiers attestant des difficultés qu’ont pu avoir des autos lors de franchissements délicats. Au bout d’un certain nombre de kilomètres, persuadés de ne plus être sur la bonne piste, frigorifiés et exténués, nous nous arrêtons dans un refuge pour quelques heures. Patrick décida alors de ne pas continuer, je l’accompagnais dans ce choix. Les deux heures et demie qui ont suivi furent assez magiques. En quelques minutes, nous avons transposé nos rôles de motards gelés en ceux de naufragés solitaires. Il fallait recueillir de l’eau, faire du feu, faire le point sur nos rations alimentaires et prospecter le refuge en quête de quelconques aliments. Heureusement, les refuges islandais sont très bien faits : des bouteilles de gaz sont disposées dans chaque bergerie utilisée. Ne restait plus qu’à comprendre le fonctionnement de l’appareil et trouver du feu. J’en serais quitte pour quelques châtaignes dignes de ce nom après avoir démonté la bougie de la Dominator (moto pourvue d’un démarreur) pour faire jaillir l’étincelle salvatrice. Enfin réchauffés et en mal d’aventures spirituelles, nous nous sommes imaginés perdus sans plus trop d’essence, incapable de faire route inverse. Dans le pire des cas, les moutons alentour assureraient une subsistance de premier choix : « j’ai un opinel ». Le livre du refuge, nous apprend que le raid Askja est passé là l’année précédente à cet endroit : « mince, on les a loupés d’un an ». Bref, après presque trois bonnes heures de « pour le pire et le meilleur », les autos arrivent enfin. Le refuge était le bon mais pas la piste. Nous passons la soirée à échanger nos impressions de la journée avec les membres du groupe. Fort heureux de retrouver de la nourriture, des affaires sèches et de l’essence.

MelMarc5-024Poser ses affaires dans un 4X4 présente l’avantage de ne pas nous transformer en convoyeur de motos comme peuvent le faire nos voisins germaniques, sans doute les plus fervents voyageurs à moto du globe. De plus, l’essence n’est que très peu disponible à l’intérieur du pays. Les distances à parcourir entre deux stations, si elles sont toujours indiquées, peuvent atteindre plus de 300 kilomètres. L’organisation justifie alors pleinement son rôle de porteur en nous offrant une liberté d’action supérieure à si nous étions seuls. Dans ces conditions, libre à nous de profiter de nos machines respectives.ISLANDE-MELLET025

MelMarc5-028Au fil des jours, les liaisons en convois succèdent aux étapes libres tandis que les paysages changent et ne se ressemblent pas. Les étendues de sable noir débouchent sur des glaciers gigantesques alors que la géothermie ambiante exhibe solfatares, fumerolles, geysers et sources chaudes. Même la météo, capricieuse, renforce la sensation que visiter l’Islande se mérite. Alors que nous sommes les « chouchous » du groupe, notre admiration va à ceux qui ont choisi de découvrir l’île à vélo. Traversant les gués pieds nus alors que l’eau ne dépasse guère les quatre degrés…

MelMarc5-022Aux abords de la capitale, les eaux chaudes du Lagon Bleu permettent à chacun de se détendre pendant une heure dans une ambiance surnaturelle. Non loin de là, de l’eau de mer est injectée en profondeur pour ressortir sous forme de vapeur traitée pour alimenter la province en électricité. L’eau est libérée en aval, formant un lagon d’une eau chaude d’un bleu intense, car chargée en minéraux. Cet endroit est reconnu pour les vertus bénéfiques et curatives de ses eaux mais plus que tout c’est l’environnement alentour qui prévaut. Au monde, rares sont les endroits où l’on peut avoir la sensation de se baigner dans les eaux d’une « centrale nucléaire ». Frisson garanti.

ISLANDE-MELLET023Reykjavik nous offre la possibilité de souffler un peu puisque nous avons deux journées libres. L’occasion de faire un tour chez Artick Trucks, le spécialiste des transformations Toyota. Il faut savoir que les Islandais ont une vision bien à eux du 4X4. Ici, les big-foot sont légion. Les conditions climatiques hivernales ne permettent pas l’accès à l’intérieur du pays pendant une bonne partie de l’année. Raison pour laquelle, on ne trouve pas de moto du cru sur toute l’île. Seuls les véhicules préparés, très nombreux sur l’île, parviennent à s’affranchir des difficultés grâce à une garde au sol et des pneus impressionnants. Le niveau de vie assez élevé des Islandais leur permet de jouir de véhicules fantasmagoriques pour nous français. Certains sont de vrais salons ambulants avec connexion permanente à Internet haut débit…

ISLANDE-MELLET022Passé ses deux jours au calme, nous reprenons notre rythme de rallye raid avec 250 kilomètres par jour en moyenne. Les paysages sont tous plus beaux les uns que les autres. Malheureusement, les refuges du soir sont tous fermés. L’organisateur et unique encadrant de ce raid, n’ayant pas pris la peine de se renseigner de leur disponibilité pour des touristes étrangers. Nous arrivons tout de même à négocier un endroit pour préparer à manger, le reste de la nuit se fera sous la tente. Heureusement, les jours qui suivent sont les plus intéressants du voyage. Les zones trialisantes dans les champs de lave succèdent aux traversées de sable noir tandis que les panoramas traversés synthétisent tous les paysages rencontrés jusque-là. Dans ces conditions, la XR se joue des difficultés tandis que la Dominator, grâce à un embonpoint d’une quarantaine de kilos, avoue des limites plus vite atteintes. C’est d’ailleurs à bout de souffle que terminera ma machine. Six rayons cassés, plus de frein avant, pneus usés à la corde, le verdict est sans appel car je finis les quatre derniers jours à faire du convoyage par la route, frustrés de louper les principales attractions de ce voyage dont le fameux volcan Askja que j’atteindrai quand même en voiture sous une pluie de neige fondue. À voir les yeux de gamins de Patrick à l’arrivée, je comprends l’immensité de ce que je viens de rater. L’occasion de penser qu’il faudra revenir en individuel pour profiter plus pleinement des paysages traversés. Et cela sans tarder, avant que les pistes ne deviennent trop civilisées.

 MelMarc5-032

MelMarc5-034L’Islande en bref

Localisation : Aux confins de l’Europe, dans l’atlantique nord, sous le cercle polaire et à l’est du Groenland.

Superficie : 103 000 km2. 300 km sur 500 km.

Géographie : Ile volcanique (200 volcans et près de 800 sources chaudes) constituée à 11,5 % de glaciers.

Climat : Variable mais, grâce au Gulf Stream, relativement tempéré vu la situation géographique de l’île. Température moyenne aux alentours de 0 C en janvier et de 12 C en été. La température ne dépasse jamais 20 C° en été.

Capitale : Reykjavik

Population : 285 000 habitants. 175 000 vivent dans la région de Reykjavik.

Religions : 93 % des habitants appartiennent à l’Église évangélique luthérienne.

Langue : L’islandais qui n’a guère évolué depuis les Vikings. L’anglais est parlé couramment

Économie : La pêche, le tourisme, l’élevage de moutons.

 Conseil Pratique

Décalage horaire : Moins deux heures par rapport à la France en été (GMT-1).

Partout.

Monnaie : Couronne islandaise. Il faut multiplier les prix par 0,08.

Formalités : Pour les Français, une simple carte d’identité suffit. La carte verte de votre auto vous sera demandée à l’arrivée. Une taxe sur le gazole est appliquée de 250 F par semaine.

Santé : Rien à signaler. L’espérance de vie, de 79 ans, est la plus grande au monde.

Sécurité : Aucune criminalité.

Routes : conduite à droite. Plus des deux tiers de la Nationale 1 qui ceinture le pays sont en asphalte. À l’intérieur, les pistes principales sont très roulantes. Celles plus isolées sont d’un bon niveau technique (champs de lave). Hors-piste totalement interdit. La roche volcanique qui constitue route et chemin est très abrasive, prévoir des pneus neufs au départ pour éviter les crevaisons. Beaucoup de gués en juillet, ils sont moins importants en août.

Pour le raid, une moto d’enduro bien révisé est préférable à un trail.

Budget : En plus du bateau, compter minimum 800 F pour les hébergements en camping et refuge, 2 à 3000 F pour la nourriture et 3500 F pour l’essence depuis Paris. Les hôtels sont très chers (500 F minimum la nuit).

Carte : Une carte au 1/500 000 suffit largement pour ne pas se perdre. Absolument toutes les pistes sont indiquées sur cette carte. Sur les petits chemins (en pointillés sur la carte), il est préférable de partir avec un véhicule d’assistance (au moins pour porter de l’essence).

Moto : très peu de motos car la neige obstrue les pistes une bonne partie de l’année. Aucune possibilité de location. Beaucoup d’Allemands voyagent à moto durant l’été. Prévoir des vêtements très chauds et étanches.

Électricité : 220 Volts.

Prix de l’essence : 988 KR le litre (environ 8 F).

Affluence : 300 000 touristes en 2000, dont près de 15 000 Français, dont 500 qui ont voyagé avec leur propre véhicule.

Adresses utiles :

— Compagnie Maritime : Smyril Line, Voyage Gallia, 42 Etienne Marcel, 75002 Paris. Tel : 01 45 08 44 80. www.voyages-gallia.fr. La liaison est possible de mai à septembre.

— Office national du tourisme d’Islande, 8 avenue Kléber, 75116 Paris. Tel : 01 53 64 80 50. E-mail : france@icetourist.is. Site web : www.icetourist.is.

— Icelandair : 9 bd des Capucines, 75002 Paris. Tél. : 01 44 51 60 51.

ISLANDE-MELLET024 MelMarc5-023