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5/13 – Kilomètre 10 583 : Turkménistan

Pas de nouvelles, bonnes nouvelles…

Pas facile de trouver une connexion internet après le contre-la-montre que nous venons de vivre. Voici quelques bouts de mails qui auraient dû partir, il y a déjà bien longtemps.

Voici seulement six semaines que j’arpente les routes qu’il me faut déjà de savants calculs et un calendrier pour être capable de deviner le jour présent. Depuis l’Iran, le tempo du voyage est réglé et le temps file au rythme lent des kilomètres avalés et des nombreuses surchauffes de l’Isbamobile. Avec une moyenne soutenue (environ 60 km/h), nous arrivons péniblement à faire 300 kilomètres par jour. Ce qui est déjà pas mal vu les circonstances. Je dis nous, car j’ai quand même fini par retrouver Quentin, le fils d’une amie, à Tabriz ainsi que Ciamak et sa famille qui nous avaient si gentiment accueillies en 2002. Les grandes sœurs sont mariées, la femme du grand frère attend un bébé et Ciamak parle maintenant un français parfait. Il ne m’a pas fallu longtemps pour accepter qu’il vienne avec nous sur la visite de son merveilleux pays. C’est donc à trois que nous avons déambulé à Tabriz, Téhéran, Ispahan et maintenant Meshed. L’impossibilité de tenir une moyenne plus soutenue malgré un réseau routier de très bonne qualité m’a obligé à revoir le parcours en Iran. Exit donc la visite de Bam dont j’aurai vraiment souhaité prendre en image les tristes changements depuis le tremblement de terre de décembre 2003. Mais si nous souhaitions profiter des endroits visités, il fallait faire ce choix.

Le déroulement des journées sans être figé est assez similaire de l’une à l’autre. Vers 5 h du matin, il fait jour. Nous nous réveillons vers 8 h lorsque la chaleur du soleil devient trop importante, car nous dormons toujours dehors à la belle étoile. Après un petit-déjeuner fait de fruits frais, de pastèques et de biscuits, nous rangeons l’auto et partons pour une visite de l’endroit où nous sommes. À 11 h, nous prenons la route. Le rythme des surchauffes règle nos arrêts. Les points d’eau également puisqu’il faut en permanence reconstituer le stock d’eau. Nous consommons à peu près 5 litres d’eau au 200 kilomètres, mais depuis le désert de Lut, nous profitons des points de captage pour de jolies baignades, rafraîchissantes à souhait dans la fournaise ambiante. Un prétexte de plus pour prendre notre temps. En route, celui qui se trouve à l’arrière sur les mousses dort au plus profond de son être bercé qu’il est par le ronflement régulier du moteur dont le régime est figé par l’accélérateur à main. Le passager bouquine tandis que le conducteur à l’œil rivé sur l’aiguille de température.

Vers 18 h, à une heure du coucher de soleil, nous cherchons un point de bivouac. C’est alors le moment de passer en 4×4 puisque pour privilégier le point de vue, nous faisons tous les soirs une belle partie de hors-piste. Une fois en place, nous sortons vite une bâche et les mousses pour nous offrir un apéro (j’avais oublié d’enlever quelques bouteilles de vin et une de Pastis lors du passage de frontière…) en contemplant le coucher de soleil. Viennent alors la douche, le dîner composé de salade et de fruits et enfin un repos réparateur. Les aménagements de l’auto, frigo et douche, nous permettent de faire de beaux bivouacs sans souffrir d’un quelconque manque de confort. Certes, celui-ci est sommaire, mais c’est dans ces moments-là que l’on apprécie les choses simples.

Comme partout ailleurs le prix du carburant a bien augmenté ces derniers temps puisque de trois dollars pour remplir 300 litres en 2002 il faut désormais s’acquitter de quatre euros cinquante… L’Iran sera donc le pays le plus économique de ce voyage et probablement le plus sympathique. La gentillesse de la population ne cesse de nous surprendre. Le fait de voyager à trois a fortement limité les contacts par rapport à 2002, mais le fait d’avoir un traducteur en la personne de Ciamak a facilité bien des choses en particulier pour l’obtention de mes visas iraniens et turkmènes. Afin de gagner sur mon retard, je n’ai pris à Erzurum qu’un visa de transit de sept jours qu’il est normalement impossible de prolonger. Nous avons réussi à obtenir dix jours supplémentaires avec une facilité égale à la cote de popularité de Zinédine Zidane. Son coup de tête est ici très populaire et rend la côte de tout Français au plus haut.

En fait, l’extension n’a été que de cinq jours ce qui m’a valu d’être illégal sur le territoire iranien. Impossible alors de quitter le pays sans payer une amende à Meshed, soit 250 kilomètres en arrière. En voici le résumé succinct en ne gardant que le meilleur :

Erzurum : Quentin m’attend depuis quatre jours déjà. Il faut dix jours pour obtenir un visa touristique, une heure pour obtenir un visa de transit de sept jours non renouvelable…Je prends le visa de transit (31 euros) ;

Téhéran : J’essaie en prétextant des problèmes sur la voiture d’obtenir une prolongation de visa. Refus catégorique de la fille en charge du dossier. Ciamak réussit à nous faire auditer auprès du chef du service qui nous accorde quatre jours que le « planton-pote-de-Zidane » transforme en dix jours pour le lendemain…(10 euros).

À l’ambassade de Turkménistan, on fait une demande de visa de transit qui sera envoyée avant le 24 juillet à Meshed.

Meshed. Le 24, rien n’est arrivé. Le dossier est bloqué puisque j’ai déjà fait une demande à Téhéran… On appelle à Téhéran en expliquant que mon visa iranien expire le jour même. Maybe Tomorrow…

Lendemain, le visa valable du 25 au 29 arrive (51 euros) à 12 h, la frontière est à 250 kilomètres et ferme à 15 h. Nous partons dare-dare, mais la voiture ne tient pas le rythme. On fait une surchauffe à 10 bornes de la frontière et arrivons en retard. Bivouac sur une piste de surveillance de la frontière, au Turkménistan d’après le GPS…

Le lendemain, on débouche de la piste interdite sur le poste de contrôle d’entrée de la ville. Les flics hallucinent et passent des coups de fil pour savoir si nous étions bien arrivés la veille….Ça passe…

Douane OK, mais la police refuse de me faire partir, car mon visa est terminé depuis deux jours. Après trois heures de discussion expliquant le problème du visa turkmène que je viens d’obtenir et qui se termine dans trois jours, retour à Meshed après avoir accompli toutes les formalités inverses : carnet de passage en douane pour la voiture, visa de Quentin qui lui est en règle. Sur la route de retour, au contrôle de Police, je me fais arrêter pendant une demi-heure parce que mon visa est périmé. Huit coups de fil plus tard, je suis libre…

Le lendemain matin à 8 h, nous cherchons le poste de police pour faire tamponner mon visa pour le régulariser. Après un premier endroit pas valable, un policier nous emmène à l’endroit qu’il pense être le bon. Malheureusement, le lieu est réservé aux Iraniens. Nous avons enfin la bonne adresse, à l’autre bout de la ville…9 h, nous trouvons un policier qui parle anglais et qui plaide notre cas auprès de son supérieur : « OK pour deux jours d’amende », mais il faut refaire un dossier de prolongation de visa en plus. Direction le vendeur de formulaires, panne d’électricité, la photocopieuse est en panne. Le courant revient, mais nous n’avons pas d’argent pour payer, car nous devions quitter le pays et donc tout dépensé…on retrouve un billet que Quentin gardait en marque-page…Direction la banque (qu’il faut trouver) pour faire un virement de 700 000 rials (70 euros dont 60 d’amende pour deux jours comptabilisés). La banque refuse les euros et ne fait pas de change ; on prend un taxi pour aller faire du change (à l’autre bout de la ville). Retour à la banque, paiement des virements et retour au guichet avec le dossier, les photocopies et les photos que j’avais …mais il est 11 h et cette préfecture ferme, car nous sommes jeudi, l’équivalant de notre samedi. Je me bats pour rentrer à nouveau et cours pour retrouver l’officier qui parle anglais. À cet instant la situation est la suivante : demain c’est vendredi, donc le dossier ne sera traité au mieux dans la journée de lundi 29 si tout va bien (il a fallu deux jours à Téhéran pour traiter le dossier). Donc lorsque je pourrai sortir d’Iran, On ne pourra plus entrer au Turkménistan…

Le chef de la police est en train de se changer lorsque nous arrivons dans son bureau. Il n’apprécie guère que je le voie en caleçon et nous renvoie devant un autre policier. Celui-ci est avec nous, mais son employé prétexte que les ordinateurs sont fermés pour nous dire d’aller nous faire voir. Sen suit une engueulade de dix minutes et l’employé repart avec mon passeport et mon dossier sous le bras. Vingt minutes plus tard, j’ai une prolongation pour rejoindre la frontière. Il est midi, la frontière est ce coup-ci à 200 kilomètres et ferme toujours à 15 h. Nous partons dare-dare et la voiture tient le coup cette fois-ci. Nous arrivons à toute vapeur (sans aucun jeu de mots) à trente minutes de fermeture de la frontière. J’accepte les services d’un changeur d’argent pour nous guider dans les démarches iraniennes. Pour moi, tout va bien avec la douane, mais Quentin a des soucis avec la Police, car nos visas turkmènes sont sur un passeport différent que celui du visa iranien. Le policier n’a jamais vu ça de sa vie. Quatre passeports pour deux personnes… Y a forcément un loup…plusieurs coups de fil plus tard, nous sommes libres de partir, mais il reste dix minutes avant que les Turkmènes ne ferment leur frontière. Heureusement, ceux-ci nous acceptent pour un racket extraordinaire, mais légal : taxe de désinfection : 1$, taxe d’entrée : 10$ par personne, taxe pour la voiture : 30 $, assurance obligatoire : 35$, compensation du prix du gasoil : selon le parcours à suivre obligatoirement défini avec les policiers : 21$, frais administratifs : 5$. Bien sûr, il a fallu batailler pour que la voiture ne soit pas considérée comme un camion et du coup payer des taxes doubles… On nous a aussi expliqué que la taxe de sortie était de 25$ par personne… Pas mal pour deux jours dans le pays. Enfin, la douane aurait pu être un cauchemar, mais ceux-ci ont été beaucoup plus cléments avec nous qu’ils ne le sont avec leurs propres ressortissants. Parfois, je ne sais pas si je ne préférerais pas les vacances à la plage.

Affaire à suivre puisque mes visas kazakhs et mongols sont bientôt périmés.

Pour nous consoler de tout ça, alors que l’entrée dans le mausolée est normalement interdite aux non-musulmans, nous avons été invité à Meshed à la prière du soir dans l’enceinte même du site sacré du mausolée de l’imam Reza, l’un des hauts lieux du chiisme où 12 millions de pèlerins viennent se recueillir chaque année.

Un peu de technique…

La qualité du gasoil et la non-correction altimétrique du turbo génèrent des surchauffes quasi permanentes. Après avoir essayé de multiples réglages pour le turbo et la pompe à injection, nous roulons à l’accélérateur à main sans capot avec un gasoil mixé à 10 à 15 % avec de l’essence, seul moyen de moins chauffer et de récupérer les chevaux perdus dans ce gasoil toujours parmi les moins chers du monde, mais de très mauvaise qualité.