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7/13 – Kilomètres 21 127 , Ulan Bator, 15ème semaine,

Kilomètres 21 127 , Ulan Bator, 15° semaine,

J’ai loupé Laeticia à cinq jours, Coralie à deux jours. Chuka était en partance avec des touristes suisses. Mon arrivée en Mongolie ne s’est pas passée comme je l’avais imaginé. Peu importe, l’essentiel était de réparer la voiture pour partir à l’assaut des pistes le plus vite possible.

En fait, très rapidement, j’ai croisé Franck, un copain de Coralie qui lui aussi est membre de World Traveler Adventure. J’ai ainsi fait la connaissance des acteurs du Mongolia Expedisound 2006. Le concept est très simple : ces amoureux de musique électronique (une quinzaine de personnes) et de free-party dispensent des soirées au fil de l’itinéraire. Leur objectif final ayant été de livrer le contenu humanitaire de l’un de leurs trois camions dans un des orphelinats d’Ulan Bator. Une fois sur place, pendant un mois et demi, chacun a mis à disposition ses compétences propres pour s’évertuer à rendre joyeuse la vie de ses enfants dont beaucoup ont pu aller chez le dentiste pour la première fois de leur vie, mais aussi chanter, faire de la peinture, du théâtre, des photos, des marionnettes, ou encore du «château gonflable ».

Leur action étant terminée, le groupe est parti à la découverte du pays, mais rapidement un des camions a dû rentrer à la capitale pour réparer suite aux conséquences des affres de la piste et attendre des pièces de rechange envoyées de France. C’est à ce moment que j’ai rencontré Franck, Marc et Marie et Boris et Carole. Nous avons fait la mécanique ensemble sur un terrain au pied d’une montagne en périphérie d’Ulan Bator.

 

Le chat noir de Mongolie…c’est moi

 

L’Isbamobile ayant repris des forces, je suis parti avec Boris et Carole pour deux semaines de découvertes. Ce qui ne devait être qu’une balade de santé s’est transformé en un stage intensif de mécanique. Ceux d’entre vous qui connaissent l’histoire du camping-car ne seront pas étonnés devant la liste qui suit. Pour les autres, je pourrais commencer ce récit par l’énoncé d’un rapport scientifique très sérieux (gloups) dévoilant l’existence de fenêtres spatio-temporelles particulières où ne règne que le chaos. Sorte d’endroit où l’ordonnancement fluide d’un voyage tranquille rencontre des dérangements inhabituels par leurs intensités, mais aussi par leurs fréquences. Le triangle des Bermudes en est un des points géographiques les plus connus, mais il en existe bien d’autres. Le désert de Gobi serait à coup sûr l’objet de concentrations de guigne bien supérieures à l’optimisme nécessaire pour y entreprendre un voyage d’aventure. Le seul planning de l’atelier de chez Toyota à Ulan Bator en atteste.

Pour résumer, pour ceux qui éprouvent des difficultés à lire ce genre de phrases un lundi matin, je peux simplifier en disant que ça a été la merde…pas une journée sans qu’une nouvelle pièce ne casse et n’interdise toute progression. Une sorte d’examen de survie mécanique grandeur nature sur deux semaines. L’endurance de la clef de 12 a été mise à rude épreuve, mais sans toutefois que cela n’atteigne notre morale une seule seconde (bravo à Carole et Boris qui ont participé au stage avec brio sans en connaître la teneur au moment de leur engagement).

Il a parfois fallu jouer de la lime, du marteau, du panneau de signalisation, de patience, mais nous avons toujours trouvé de quoi profiter pleinement de la chance que nous avions ce coup-ci d’avoir de l’eau, de la nourriture, l’idée pour avancer de nouveau ou encore une température supportable dans un sens ou dans l’autre alors que trois jours plus tôt il neigeait. Heureusement, les plaisirs compensatoires ont été nombreux et parfois même la cause directe ou indirecte de la casse suivante. À savoir, la conduite de nuit à 80 km/h avec des pointes à 100 alors que les gens d’ici ne dépassent pas le 60 de jour. Mais le moment fort restera la journée passée dans l’erg du Gobi où plutôt que de prendre la piste qui longe l’erg, nous avons plongé dans son antre pour en affronter les plus hautes dunes sur toute sa longueur. Boris qui est moniteur de ski spécialisé hors-piste a trouvé pas mal de similitudes avec les traces qu’il laisse pendant la saison d’hiver. Et il a fallu montrer les photos aux Mongols, car aucun ne pensait qu’il était possible de réaliser ce genre de cabriole avec un véhicule à quatre roues et non à quatre pattes comme le chameau. Il faut aussi noter que les paysages hallucinants de la Mongolie ont toujours été présents pour nous accueillir à bras ouvert par exemple lorsque le T de dérivation d’huile de turbo a cassé dans son carter et qu’il a fallu 24 heures pour réparer au milieu de nulle part. Heureusement, sur le toit, un bidon d’huile neuve attendait sagement son heure. Enfin, la solidarité aura encore été plus forte avec les motards ou les cavaliers qu’avec les automobilistes (si rares sur ces pistes, faut-il le rappeler ?). Bref, tous ces pépins nourrissent l’essence même de ce genre de périple. Marcher à contre-courant n’est-il pas la meilleure chose à faire pour aller à l’essentiel ? Au fait, qui a dit que l’automobile n’était pas un facteur de rencontres ?

 

Pour les septiques voici la liste :

Bougies de préchauffage fondues, traverse de kit doubles amortisseurs cassés avec à la clef un court-circuit et une fuite de gasoil, car la pompe à gasoil était fixée dessus, silent bloc de point fixe de lames avant détruits, pot souple qui casse et qui s’enroule comme un tricot autour de l’arbre de transmission, T d’alimentation d’huile de turbo qui casse dans le carter, brides de lame de suspension arrière gauche qui cassent en même temps, un pneu neuf éclaté sur 40 centimètres, pont avant qui ne s’enclenche plus en vitesse courte (cause de plantage notamment lors d’un passage de gué profond), fuite sur circuit de refroidissement, fuite sur circuit de gasoil, porte arrière qui ne s’ouvre plus, arbre de transmission avant qui touche le carter d’huile moteur dans les herbes à chameaux, silent bloc de barre de torsion déboîté, silent bloc de boite de vitesse desserré, plus de frein à main, pales de ventilos qui touchent le venturi de radiateur, silent bloc de pot cassé, tirant de barre antiroulis déboîté, patte de support de silent bloc moteur tordu :avec vis cassées dans le bloc, durit de frein sectionnée lors de la deuxième casse des brides arrière que nous avions remontées en enlevant des lames. En fait, beaucoup de choses ne sont que la conséquence de deux ou trois problèmes. Je paie maintenant le fait d’être parti avec une auto dont rien hormis les suspensions n’avait été testé. Ma volonté de partir coûte que coûte alors que l’auto n’était pas finie se traduit maintenant en direct par des pépins en cascade. Pour sûr, j’ai roulé trop vite avec une auto trop lourde, mais la qualité des suspensions ne permet pas de se rendre compte que la voiture souffre. La liste qui précède le permet, elle…

 

Me voilà donc à Ulan Bator en train d’attendre depuis trois semaines le colis qui va m’autoriser à repartir sur une bonne base mécanique. Depuis quelques jours, les camions de World Traveler Adventure ont repris la route alors que nous faisions un pur campement tous ensemble avec Irun, un Hollandais qui roule à l’huile de colza sur un vieux camion Mercedes de 35 ans sur lequel il a installé la caisse d’une Estafette comme cellule pour dormir.

Je viens de faire étendre mon visa pour deux semaines supplémentaires et pense vraiment faire un tour en Chine. En attendant, j’ai posé mon bureau dans la boulangerie française tenue par Alex pour enfin faire partir les textes en retard. Les problèmes mécaniques ne me permettant pas beaucoup de bosser à côté.

 

 

La Mongolie :

En six ans, date de ma dernière visite, le pays a bien changé. Les gers (les yourtes) possédant une parabole pour recevoir la télé alimentée par une éolienne ou un panneau solaire n’existaient pas auparavant ; elles sont légion maintenant. Très souvent, un 4X4 ou un petit camion est à côté de la ger alors que j’avais plutôt noté des motos auparavant. Il paraît que la bière fait beaucoup de bien au pays, car les hommes ne se défoncent plus à la vodka. Pourtant, le niveau d’alcoolémie qu’arrivent à atteindre certains Mongols est impressionnant. Ces derniers sont d’une compagnie plus que désagréable dans ce cas là, pour rester poli… Le nationalisme est croissant et il n’est pas toujours bon d’être le blanc bec de service. Pas une journée sans qu’un Mongol essaie de nous faire payer le double du prix. Constante universelle, les gens sont beaucoup plus cool à la campagne que dans les villes.

Le pays reste d’une photogénie incroyable.

 

 

 

 

Que feriez-vous à ma place ?

 

Pour sortir de l’anonymat du mail commun et parce que je vais passer plusieurs jours ici et donc pouvoir répondre individuellement à chacun, j’aimerais beaucoup que vous m’aidiez quant à la suite à donner au voyage. Que feriez-vous à ma place….

 

Les données de base :

L’objectif est de rejoindre le Kamtchatka en voiture via Magadan et de revenir avec l’Isbamobile par Vladivostok. Je suis parti en juin avec deux mois de retard après presque un an de travail sur l’auto. Je suis maintenant au premier tiers du voyage au mois d’octobre. Je prends encore du retard pour les réparations. La météo en Mongolie est encore bonne (il gèle juste la nuit), mais celle de Sibérie va devenir de plus en plus délicate (à ce sujet, j’ai réaménagé l’auto pour y vivre vraiment à l’intérieur). Je suis plus que complètement à sec, les impôts viennent de tomber et ma locataire semble avoir oublié quelques versements. Je n’ai qu’une paire de chaînes à neige, les pneus sont à 50% d’usure. Même si l’expérience des gens rencontrés sur la route me fait dire que je ne suis pas très bien préparé pour l’hiver (l’Isbamobile fonctionne au diesel, ce qui est un problème dans les pays froids sans équipements particuliers), j’aimerais bien en découdre avec le froid et le blanc. Je suis sûr que l’expérience serait fantastique. Mes locataires partent le 31 octobre. Je viens de vendre la caméra donc je dispose de 2 000 euros en liquide. Hormis les problèmes parisiens de comptes en banque et d’appartement, moral et santé sont bons.

 

Les options possibles :

 

-Rentrer dare-dare pour bosser et me remettre à flot :

En voiture ce qui permet de récupérer les 3200 euros de carnet de passage en douane. De repréparer l’auto avec l’expérience acquise et de repartir tôt dans l’année au printemps prochain, car il est hors de question que je n’aille pas au bout.

Je rentre en avion et laisse la voiture en Mongolie ou en Russie. Cette solution est bien plus économique et me permet de revenir l’an prochain sans avoir à refaire les allers-retours entre France et Mongolie.

 

Je ne rentre pas maintenant ;

Je laisse la voiture en Mongolie, je vais passer l’hiver en Chine avec Tatiana, Pascale et Charlie à Pékin. Je loue mon appart et livre plein d’articles sur le voyage et la Chine en bénéficiant de bonnes connexions internet. La vie en Chine est moins onéreuse que ma vie parisienne ;

 

Je vais jusqu’au bout sachant que sans emprunter ou sans un apport providentiel, je cours à la banqueroute. Les conditions météo seront très difficiles en passant par Magadan, ce sera moins dangereux par Vladivostok, car c’est un axe fréquenté.

 

Je peux aussi laisser la voiture à Magadan ou Vladivostok et rentrer en avion après avoir accompli la première moitié du voyage.

 

Surtout, n’hésitez pas à me donner vos avis sur tout ça.

 

À bientôt

 

Marc