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L’Inde

Pèlerinage indien

L’Inde du Nord en Toyota BJ75

Incontournable destination de tout globe-trotteur, l’Inde fascine à bien des égards. Sur place, même s’il peut être difficile de se sentir à l’aise, le voyageur ne restera pas indifférent aux charmes millénaires de la plus grande démocratie mondiale. Véritable test grandeur nature de la préparation du BJ 75, Tatiana et Marc ont mis six mois pour effectuer un aller-retour Paris-Delhi. Petit plongeon dans le carnet de route des cinq semaines d’aventures indiennes.

Texte et photos : Marc Mellet

PARIS-DELHI-INDE-MELLET014PARIS-DELHI-INDE-MELLET003Depuis Paris, le compteur indique 17 441 kilomètres parcourus en quatre mois.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET013La traversée du Pakistan a été éprouvante par la chaleur qu’il y règne fin août et nous profitons de quelques jours de repos à Amritsar dans la province du Penjab, première ville indienne et seule frontière ouverte avec le Pakistan, pour faire le tour des garages et ainsi racheter l’ensemble des filtres nécessaire à la bonne marche de notre moteur 3B. Nous continuons à rouler avec le gasoil iranien. L’essence la moins chère du monde semble encrasser le moteur, l’huile est très chargée en sédiments. Certaines pièces ne sont pas disponibles et il faut attendre plusieurs jours qu’elles arrivent. L’occasion pour nous de découvrir les richesses de la ville à commencer par l’impressionnant Temple d’or. Ce fief de la religion sikh possède toutes les qualités pour une initiation à l’Inde spirituelle. Avec un milliard d’habitants, dix-huit langues officielles, trente-trois millions de divinités, le sous-continent indien impressionne par sa démesure. La plus grande démocratie planétaire décontenance le voyageur et il faut du temps pour s’y sentir bien.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET002PARIS-DELHI-INDE-MELLET006Sur route, le sentiment d’insécurité demeure permanent. À peine habitués à la conduite à gauche que camions et autobus vous sautent déjà à la figure.

Pourtant rapidement, circuler sur ce ruban d’asphalte imparfait devient vite un immense plaisir. Les routes montagneuses de la vallée de Kangra s’avalent alors à un rythme lent, mais coulé. Toutefois, l’arrivée sur les hauteurs de Mac Leod Ganj est un bonheur pour nos dos harassés par les irrégularités de la route que la suspension transmet le plus fidèlement du monde. La fraîcheur qui y règne n’est pas sans nous déplaire.

Depuis 1959, le gouvernement tibétain en exil a élu domicile sur cette corniche qui surplombe toute la vallée. Les Tibétains s’effacent malheureusement devant les innombrables vacanciers en quête de spiritualité. Mac Leod Ganj est la ville la plus visitée de l’Himalaya indien et les séances publiques du XIV° Dalaï-lama y sont pour beaucoup. La philosophie bouddhiste a la côte en occident et cela se voit.

INDE-NORD-MELLET023En manque de dépaysement, nous quittons le fief tibétain pour celui des touristes cannabiques. Depuis que le Cachemire est peu recommandable, Manali et sa vallée ont repris leur place acquise durant les années soixante-dix pour la qualité de son herbe à fumer. Les ashrams montés par de nombreux soixante-huitards qui ont émigré à jamais ne désemplissent pas. Il est vrai qu’ici dans la vallée, le chanvre pousse comme du chiendent. Le but de notre visite est tout autre puisque Manali est un carrefour obligé sur les routes du Laddakh et de la Spiti vallée. Plus authentique que le Laddakh, cette vallée n’a été ouverte que très récemment au tourisme. Son entrée est conditionnée par le passage de deux cols impraticables pendant huit mois de l’année.

La route jusque Kaza est assez difficile et l’auto risque de souffrir, mais c’est un vrai plaisir, car même si les pistes ne sont pas très bien entretenues, les risques de la circulation sont moins importants qu’au sud et les paysages extraordinaires. Il y fait aussi beaucoup plus frais. Pour l’heure, les problèmes rencontrés restent bénins. La route jusqu’au Rothang pass serpente à flanc de montagne sur un bitume d’assez bonne qualité. La vue est sublime et notre moteur atmosphérique ne semble ne pas souffrir de l’altitude. Seul l’épaississement de la fumée qui s’échappe de notre pot d’échappement trahit une combustion incomplète.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET012Pari réussit pour ce col à presque 4000 mètres, mais l’autre versant dévoile des conditions météo défavorables. Rapidement, sur la montée du deuxième col, la pluie se transforme en neige. Cette année, les premières neiges ont deux mois d’avance. Le Kunzung pass culmine à 4551 mètres et depuis la descente de Rohtang, la piste ne cesse de se dégrader. Les conditions deviennent de plus en plus dures. Nous évoluons entre première et seconde courtes, la moyenne horaire n’est plus que de quinze kilomètres/heure. Pourtant à dix heures du soir complètement exténués, nous arrivons à Kaza. Il nous faudra deux jours de repos avant d’entamer l’exploration de la vallée. La proximité du Tibet est si importante que de nombreux monastères jalonnent la région. Les Gompas de Ki, Kibar, Dankar et Tabo sont les plus impressionnants pour leur beauté architecturale millénaire. Leur collection de tanka, ces soieries brodées représentant les divinités assurent à elles seules un prétexte de visite qui permettra de tisser des liens avec des moines heureux de présenter ce que leur religion a de plus beau matériellement.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Avec l’altitude, notre consommation tourne autour de trente litres aux 100 km. Une surprise qui aurait pu tourner à la catastrophe sans l’aide du réservoir additionnel et des jerrycans posés sur le toit. Malgré tout, il nous faut retourner à Kaza pour faire le plein. De toute façon, les gendarmes refusent de nous laisser passer sans autorisation. À ce moment, nous sommes à quatre kilomètres de la frontière chinoise et nos passeports ont été confisqués pour la nuit de peur de nous voir filer vers le Tibet à pied. Petite anecdote, pour notre GPS, nous sommes déjà en Chine depuis une trentaine de kilomètres…

À Kaza, tous pleins fait nous décidons d’écourter notre séjour dans la vallée pour rejoindre un groupe à moto avec qui nous avions rendez-vous. À cause des conditions météo, ils n’ont jamais pu passer. Il nous faut repasser à nouveau le Kunzung et le Rohtang Pass. Ce sera chose faite en deux jours de temps puisqu’un éboulis empêchera cette progression pendant presque vingt-quatre heures. Le temps pour les équipes de la voirie de dynamiter l’ensemble des roches encombrant la piste.

L’arrivée à Manali sera une bénédiction, une fois de plus les hommes sont plus fatigués que la voiture. Pourtant, il faut voir les conditions d’utilisation. Rares sont les pistes qui sollicitent autant la mécanique.PARIS-DELHI-INDE-MELLET015

OLYMPUS DIGITAL CAMERASi dans la montagne notre auto est extraordinaire, sur les tronçons de route dégagée qui mènent à Delhi, le volant à gauche ne permet pas de voir les difficultés. Le moteur peine à vous emmener à 120 km/h. Mais rien de grave, car en Inde cette vitesse relève du suicide tant les imprévus sont nombreux. À l’approche de la capitale, les confrontations avec des bus, pour qui vous n’êtes rien, deviennent de plus en plus fréquentes. Augmentant ainsi le risque d’accident.

L’arrivée à New Delhi a de quoi surprendre. Le trafic automobile y est tellement dense qu’il est difficile de trouver ses marques. La Connaught Place est un peu le centre névralgique de l’ancienne capitale administrative anglaise. Les banques, les compagnies aériennes, les agences de voyages, les offices du tourisme des différents états indiens y ont élu domicile. Les rues sont aérées et contrastent fortement avec Delhi, car le centre historique, lui, reste complètement surpeuplé et pollué. C’est dans cette foule que l’on comprend la diversité du peuple indien. Et rejoindre la cour intérieure du Fort Rouge est un vrai bonheur. Le bruit et l’agitation paraissent à des années-lumière de la quiétude de ses jardins et de ses pavillons. Ce fort construit au XVIIe siècle marqua l’apogée de l’Empire moghol à Delhi. À cette époque, les sorties de l’empereur se faisaient à dos d’éléphant dans un faste inimaginable.

Mais, rapidement, notre auto réclame à nouveau les grands espaces, direction Agra. Nous avons tenu à visiter ce que le gouvernement indien tient comme symbole de la beauté des fastes d’antan. Le Taj Mahal, mausolée édifié par amour pour son épouse morte en couche par Shahjahan Mahal en 1632, impose à tous un émerveillement sans pareil. Car de près ou de loin, le Taj Mahal est d’une réelle beauté, presque indicible.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET001Puis notre périple continue plus à l’est vers le Rajasthan, deuxième état de l’Inde par sa superficie. « Rajasthan » signifie « Terres des princes » et comptait autrefois vingt-deux principautés. Il y a maintenant plus d’un siècle que les épées ne sont plus sorties de leurs gaines, mais les histoires fabuleuses du passé sont encore vivantes au travers des nombreux palais.

Notre première étape s’appelle Jaipur, la cité rose. La vieille ville de la capitale régionale a été bâtie de pierres rouges qui ont pâli avec les siècles. Dans la rue principale se trouve le Hawa Mahal, ou Palais des Vents. C’est un mur finement sculpté sur cinq étages derrière lequel les femmes de la cour pouvaient assister aux processions. Les bazars sont un autre centre d’intérêt, car on y trouve les fameux saris et tissus aux couleurs vivent qui font partie intégrante de la

culture rajpoute, des pierres en tout genre et un tas d’objets en peaux de chameaux.

À onze kilomètres de Jaipur, au milieu de hautes collines se trouve la ville désertée d’Amber. Il s’agit de l’ancienne capitale de l’état fondée au XIe siècle, puis abandonnée en 1727 lorsque son maharadjah alla s’établir à Jaipur. La défense de cette citadelle était confiée à de grands murs encore intacts, dont l’implantation rappelle celle d’un labyrinthe. Le folklore touristique permet d’arriver aux portes du palais à dos d’éléphant.PARIS-DELHI-INDE-MELLET010

La route qui mène à Ajmer et à Pushkar offre un spectacle tout aussi enchanteur : les groupes de femmes vêtues de saris bleus, rouges, orange allant chercher l’eau au puits dans des jarres de métal poli qu’elles portent sur la tête. Plus loin, les dromadaires divertissent les voyageurs. Ici, ils se dandinent pour tirer un attelage, et ne sont pas utilisés montés comme dans le Sahara.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET011Mais tous ses spectacles du quotidien rajput ne doivent pas nous faire perdre à l’esprit les dangers de la route. La règle du plus fort y est appliquée avec une fidélité sans faille. Les bus étant le chaînon le plus dangereux. Heureusement, notre vieux BJ possède assez de reprise pour limiter les risques lors des dépassements, la vitesse de croisière étant de 70-80 km/h.

Pushkar est situé à moins de douze  kilomètres d’Ajmer. C’est un lieu très saint de l’hindouisme, avec un lac vert et tranquille entouré de temples construits par les fidèles. Selon la légende, le seigneur Brahma, alors qu’il passait dans la région, laissa tomber une fleur de lotus qu’il tenait à la main. L’eau jaillit du sol à l’endroit même où était tombée la fleur. Ainsi Pushkar signifie « fleur de lotus ». Les Ghats, escalier donnant sur la rive du lac près des temples, sont l’endroit idéal pour contempler les rituels des croyants. Ces manifestations quotidiennes ressemblent à un arc-en-ciel tant les couleurs sont riches, vives et chatoyantes.

En quittant Pushkar, l’on entre dans le désert du Thar. La ville bleue de Jodhpur est une des merveilles de ce désert. Nombre des habitations de la vieille ville sont peintes en bleu. La « ville haute » est dominée par un fort imposant, avec ses tours moyenâgeuses et ses contreforts rocheux. L’intérieur n’est cependant que douceur avec ses pierres roses finement taillées qui s’enchevêtrent dans un dédale de petites cours. On peut y admirer des quantités de peintures murales, des panneaux et des plafonds agréablement décorés. Plusieurs fenêtres donnent directement sur la ville bleue.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET007Au-delà de Jodhpur, c’est le désert. D’abord les plaques de sable brun retenu par des arbustes épineux où il n’est pas rare d’y voir des antilopes. On y passe devant des petits hameaux, maisons rondes de terre sèche au toit de chaume. Plus loin le sable devient plus dense et plus doré. Peu à peu, les villages et les antilopes disparaissent. Seules les vagues de sables s’étendent jusque l’horizon.

Et puis encore plus loin, un bloc de couleur sable sort de terre. La ville de Jaisalmer perchée en haut d’un énorme rocher couronné d’une forteresse s’impose à la vue de tous. Au coeur de la cité, il est possible de visiter un temple jaïn à l’architecture très intéressante. Jaisalmer sert de point de départ à des excursions à dos de chameaux dans les dunes. Le commerce n’étant pas au beau fixe depuis deux ans, de nombreux vendeurs sauront vous rendre le séjour très désagréable. Heureusement, l’indépendance offerte par notre auto permet de découvrir quelques villages beaucoup plus tranquilles.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET005La remontée sur Amritsar se fera sans encombre. Notre BJ n’ayant toujours pas décidé de nous embêter avec des problèmes mécaniques nous en déduirons que notre préparation était de qualité. Mais cela vous le verrez au fil des épisodes dans les numéros à venir.

Les villes du parcours

Amritsar, Dharamsala (Mac Leod Ganj), Kulu, Manali, Spiti Vallée, Delhi, Agra, Jaipur, Ajmer, Pushkar, Jodhpur, Jaisalmer, Bïkaner, Amritsar.

PARIS-DELHI-INDE-MELLET004L’Inde en bref :

Superficie : 3 287 590 kilomètres carrés, soit six fois la France

Climat : tropical ; températures moyennes à New Delhi : de 7°C à 21°C en janvier, de 26 à 41°C en juillet.

Capitale : New Delhi

Population : plus d’un milliard d’habitants

Religion : Hindous (83%), Musulmans (10%), chrétiens (3%), Sikhs (2%)

PNB par habitant : 400 euros

Activités : Textiles, fer et acier, produits chimiques, engrais

Conseils Pratiques

Décalage horaire : plus  3,5 h en été et 4,5 h en hiver par rapport à la France.

Monnaie : La roupie. Un euro = 48 roupies.

Langue officielle : L’hindi. L’anglais est pratiqué un peu partout.

Formalités : visa obligatoire, valable six mois depuis la date de la demande. Certaines régions comme le Sikkim nécessitent un visa spécifique à demander avant de partir.

Budget : L’Inde offre aux voyageurs un pouvoir d’achat élevé. Un litre d’essence coûte 36 roupies soit 0,66 euro/litre.

Routes : Conduite à gauche. Se déplacer avec son propre véhicule est une opération de survie à très haut risque à cause …de tout : bus, vaches, piétons, voitures, camions, buffles, éboulis, trous dans la chaussée. La liste est longue.

Santé : Pas de vaccin obligatoire, mais traitement antipaludéen recommandé en dessous de 2000 mètres d’altitude. Attention à l’eau et aux aliments. En Inde, la tourista fait vraiment partie de votre quotidien.

Avion : dix heures pour Paris/Delhi (6579 kilomètres) (à partir de 450€).