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L’Isbamobile V1 – 2001

La Version 1 : Un Toyota BJ75 d’origine mais d’occasion

Achetée 6 000 euros en 2001 a un vigneron, l’Isbamobile affichait déjà 270 000 km et une carrière bien remplie puisque c’est un modèle Toyota BJ75 de 1987.

À l’époque, ce prix était parmi les plus bas du marché pour un véhicule offrant ce genre de prestations d’habitabilité et de solidité.
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Un BJ 75 pour 6000 euros :

Affaire ou arnaque ?

 

Dans le cadre d’un projet de voyage de six mois jusqu’en Inde, nous allons vous présenter au fil des épisodes les différentes étapes depuis l’achat du véhicule jusqu’à l’analyse au retour des choix qui ont été faits.

Avant tout, il a fallu trouver un Toyota à un prix raisonnable. Après cinq mois à arpenter les petites annonces de toute la presse spécialisée, nous trouvons un BJ 75 à 6000 euros. L’engin de 1987 est en bonne forme mais présente quelques traces d’usure, normal, le compteur affiche 275 000 km. Diagnostic.

Texte et photos : Marc Mellet (TLCM, 2001)

 

Avant de partir en raid, le choix du véhicule se pose en premier lieu. Quel modèle acheter ? Neuf ou occasion ? Essence ou diesel ? Quatre ou deux roues motrices ? Pour être honnête et après coup, une Renault Clio peut très bien rejoindre Delhi sans autre problème que de légères surchauffes dans le désert du Baloutchistan au Pakistan. Les routes principales des pays traversés sont toutes en excellent état. Dans notre cas, l’intérêt du 4X4 est double. La capacité de chargement permet un certain confort lorsque l’on part longtemps et surtout un véhicule tout-terrain permet de sortir des sentiers battus et d’accéder à des bivouacs inaccessibles avec un véhicule classique. La qualité de votre voyage peut être multipliée par dix si vous arrivez à atteindre le haut de cette montagne pour griller votre poulet du soir. La vue au petit matin ne sera que plus belle. Mais je ne m’étends pas dessus, car nous parlons de la même chose. Quant à savoir s’il faut acheter un véhicule neuf ou d’occasion, le prix des véhicules neufs transforme plutôt la question entre quel type d’occasion faut-il acheter ? Pour obtenir la caisse qui est montée sur le 75 avec un volume habitable très confortable, il y a le choix entre le BJ 75, le PZJ 75, le HZJ 75 et le HZJ 78. Tous ont disparu du catalogue Toyota mais une nouvelle version du 78 tente de passer l’homologation avec un moteur de 80 pour être distribuée prochainement. D’occasion, la fourchette de prix oscille entre 30 000 euros pour un 78 de faible kilométrage et déjà équipé à 6 000 euros pour un BJ 75 ou tout reste à faire. Bref, une différence de prix qui va du simple au quintuple et que le carnet de passage en douane va encore doubler (document obligatoire pour franchir certaine frontière qui impose un dépôt bancaire de la valeur argus du véhicule, plafonné à 2300 euros pour un véhicule de plus de dix ans). Entre ses deux extrêmes, il existe bien sûr des BJ75 avec faible kilométrage autour de 10 000 euros et des HZJ 75 autour de 15 000 euros mais dans les deux cas, l’on ne connaît rien de l’historique mécanique de l’objet convoité. De même, je ne connais pas vos connaissances mécaniques mais lors de cet achat, les miennes étaient plus que limitées. Au moins autant que mon budget. L’idée a donc été d’acheter un véhicule le moins cher possible et de vérifier absolument toutes les parties mécaniques par un démontage complet tout en changeant les pièces qui présentent une usure trop prononcée pour le kilométrage que l’on espère parcourir. Chaque démontage a bien sûr été une aventure nouvelle mais je préfère perdre du temps chez moi à ne pas savoir comment se démontent ses fichues rondelles coniques d’arbres de roues plutôt qu’au bord de la piste après un problème de transmission. De plus, avec un peu de patience, on trouve toujours un concessionnaire ou un chef d’atelier pour vous aider puisque normalement vous allez avoir plusieurs pièces à changer…ramenant ainsi le prix de votre véhicule à celui que vous avez refusé d’acheter. Mais dans ce cas, vous connaîtrez parfaitement l’historique de vos pièces et vous aurez acquis une réelle indépendance en mécanique. Éléments vitaux quand on ose parler de « raid » ou « d’expédition ». De plus, les pièces que vous aurez changées avant l’heure sauront vous servir de pièces de rechange si nécessaire, réduisant d’autant le budget des pièces vitales à emmener.

Dans notre cas, les établissements Foxy, spécialiste du Toy depuis leur naissance, ont accepté de jouer le jeu en me laissant une place dans l’atelier. Je devais tout faire seul mais j’avais le droit de lever le doigt et d’appeler le chef mécano lorsque je butais sur quelque chose évitant ainsi d’utiliser le marteau.

Quatre mois auront été nécessaires à la remise en état complète de la voiture mais ça, ce sera l’objet des rendez-vous futurs. Pour l’heure, il nous faut faire un premier diagnostic de l’auto. Car bien sûr, tout ce raisonnement ne tient que si la mécanique de base est saine.

L’annonce de départ est alléchante : BJ 75, 1987, 275 000 km, seconde main, bon état général, galerie, 7000 euros. Voici enfin un véhicule à un prix raisonnable, je décroche aussitôt le combiné pour en savoir plus. Son actuel propriétaire est vigneron près d’Avignon. Il a acheté le véhicule voici cinq ans pour faire les foires aux vins et certaines livraisons. Le premier propriétaire était plombier. L’un comme l’autre n’ont jamais fait de tout-terrain mais le véhicule a du faire pas mal de route chargée à ras bords. Pour ses dix ans, le premier propriétaire a fait poser un voile de peinture mais cela n’empêche pas la corrosion à l’arrière. Je me déclare intéressé mais l’auto n’est pas encore passée au contrôle technique. Nous convenons de nous rappeler une fois la visite effectuée. Plusieurs lames arrières sont cassées et la voiture est refusée au contrôle. Le verdict est lourd mais cela me met en position de force pour négocier le prix. Nous prenons rendez-vous pour un essai. Au premier abord, la voiture est saine. La caisse présente une grosse corrosion sous l’aile gauche au point que le cric d’origine est passé au travers et deux petits chocs sont à déplorer à l’avant et l’arrière droit. L’un d’eux a été mal réparé, l’autre est dans son « jus ». Plus que les chocs ce sont les traces de tout terrain qu’il faut traquer. Elles sont assez caractéristiques sur ce véhicule : une fêlure sur la baie de pare-brise, par exemple. Les galeries trop chargées ne pardonnent pas dès que cela remue. Ce défaut a été corrigé sur les versions ultérieures mais les fêlures ont toujours lieu un peu plus loin même sur les 78. Les traces sous la voiture renseignent correctement sur l’utilisation qu’en a fait l’ancien propriétaire : il y a forcément un jour une pierre qui va laisser une petite rayure sur un nez de pont. Dans notre cas, l’ensemble est correct. Aucune trace de tout terrain mais l’état des lames à l’arrière atteste que le véhicule a été malmené. Mon interlocuteur finit par avouer le poids de la palette qu’il rentrait à l’arrière : une tonne environ. La transmission a dû en prendre un coup. En levant une roue, on arrive à faire tourner le différentiel. Le jeu est correct. L’arbre de transmission est également en bon état. Maintenant que la roue est levée, il suffit de l’enlever pour découvrir plus en détail les dessous de l’engin. Les lames, on l’a dit, sont cassées et usées. À l’avant, la même opération renseigne sur l’état des freins, le disque n’est pas trop marqué et les plaquettes quasi neuves. Comme indiqué sur le rapport du contrôle technique, les caoutchoucs de barre stabilisatrice sont abîmés. Une inspection supplémentaire permet de vérifier l’étanchéité des joints spys de nez de ponts. Passé un certain kilométrage, il faut les changer régulièrement. Une clef de douze permet d’enlever le carter de protection de la boîte de vitesse. Cela permet de vérifier d’éventuelles fuites. Aucun souci à ce niveau non plus. Les pneumatiques sont des modèles rechapés. Si sur route cela ne pose pas de problème, ils risquent difficilement de supporter des grosses chaleurs ou les contraintes imposées par une utilisation intensive. Nous avons déjà prévu de les changer pour les très polyvalents TR de chez General Tyre. En revanche l’usure des pneus en place peu révéler un défaut de parallélisme ou un problème de châssis. Encore une fois, il n’y a rien d’anormal.

La levée du capot permet de se rendre compte de la façon dont le propriétaire a préparé ce rendez-vous. Ici, la poussière en place atteste que tout est d’origine. Un bout de scotch attire l’attention. Dessous, la tubulure d’admission en caoutchouc est percée. J’espère simplement que le moteur n’a pas roulé trop longtemps et dans des atmosphères trop poussiéreuses avant que quelqu’un ait la bonne idée de poser ce bout de scotch américain. La tension des courroies renseigne aussi sur la qualité de l’entretien dont a pu jouir votre future acquisition. Car sur ce genre de modèle à la réputation d’indestructibilité, un manque d’entretien est souvent bien plus préjudiciable que de trop nombreux kilomètres. Moteur en route, une petite fuite de gasoil apparaît au niveau de la pompe mais rapidement l’on comprend qu’il s’agit d’une fuite au niveau de la vis de purge. Sans conséquence donc.

Il est alors temps de prendre le volant. À l’intérieur, les sièges ont été refaits mais un chien a mordillé et donné des coups de crocs dans plusieurs éléments comme le levier de vitesse, les lève-vitres et sur la planche de bord.

Plusieurs démarrages permettent de chercher un bruit dans le démarreur ou une faiblesse des batteries. Ras. Une succession de départ en première, deuxième, troisième aide à reconnaître un embrayage fatigué. Sur la route dégagée, des petits coups de volant successifs vous renseignent sur la direction mais aussi sur les amortisseurs. À l’arrêt, moteur au ralenti, il ne faut pas oublier de faire tourner le volant de butées en butées. Un bruit suspect pourrait traduire de jeu dans la direction ou sur les rotules mais aussi d’une faiblesse de la pompe de direction assistée. Plusieurs freinages appuyés permettent de juger de l’état des freins mais aussi de beaucoup d’autres éléments si le véhicule venait à partir vers la gauche ou bloquer subitement de l’avant ou de l’arrière.

La boîte de vitesse requiert la plus grande attention. Certains synchros ayant décidé d’être le talon d’Achille de ce modèle. Dans notre cas, la seconde se révèle bien difficile à passer à l’accélération comme au rétrogradage. Attention, intervention financièrement lourde à prévoir s’il faut démonter.

Le moteur refoule un peu de fumée blanche par le reniflard d’huile. Rien de catastrophique mais la segmentation est probablement fatiguée. Cela est normal vu les conditions d’utilisation antérieure. Plus tard, il faudra faire une prise de compression pour connaître exactement les qualités du moteur.

Vous l’aurez compris, ce véhicule n’est pas de toute première jeunesse mais la base semble saine même si moteur et boîte présentent déjà quelques traces d’usures. Ces arguments serviront à faire baisser le prix initial de 1000 euros. À 6 000 euros, ce BJ 75 devient une occasion intéressante. Un professionnel aurait probablement payé moins mais sur ce produit nous répondons complètement au jeu de l’offre et de la demande. Les véhicules vendus en France sont déjà pour beaucoup repartis en Afrique. Dans ce cas, je fais le chèque et l’aventure peu commencer. À bientôt.

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