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9/13 – Pékin, 5 mois de voyage, l’aventure intérieure.

Pékin, 5 mois de voyage, l’aventure intérieure.

Combien de voyages différents vit-on dans un voyage de cinq mois ?

Il y a cinq mois, le 13 juin à 22 h 30, je quittais Auvers-sur-Oise pour enfin prendre la route et quitter la région parisienne. Ce départ marquait un virage d’importance dans le projet « Le Monde pour Passager ». Après deux ans de réflexions et tractations diverses, une année de reconstruction mécanique, il me fallait rouvrir les yeux et réapprendre à goûter les plaisirs multiples des vies simples, mais heureuses. La psychologie nécessaire pour mener jusqu’au départ ce genre de rêve est tellement différente de celle qui vous fait profiter pleinement du voyage en lui-même qu’une longue période de transition a été nécessaire. Cela ne s’est pas fait en un jour. Les visites en chemin, d’abord à ma famille puis à mes amis, ont permis de faire le vide nécessaire pour aborder l’inconnu avec sérénité. Passer par ce sas affectif permet d’être sûr que le voyage n’a pas pour prétexte une quelconque fuite, mais bien une volonté de « faire un petit bout de brousse avec soi-même ».

Pas facile de trouver une justification au besoin de bouger. Est-ce bien nécessaire ? Pas facile non plus de répondre à la classique question : pourquoi ? « Pourquoi tant de personnes rêvent de tout lâcher sans jamais oser se rendre compte que toutes les clefs sont déjà dans leurs mains ? » aurais-je envie de répondre bien souvent.

L’heure n’est pas encore aux bilans, la seule constatation est que ceux qui s’accordent la possibilité de courir le monde ont souvent du mal à retomber dans une vie de type classique Métro, Boulot, Dodo. On verra bien comment sera l’atterrissage, mais heureusement de nombreuses variantes existent. À suivre.

Trois mois, c’est habituellement le temps qu’il me faut pour devenir « Homesick ». J’avais très peur des conséquences de ce cap à passer. Me faudrait-il rentrer pour assouvir ce besoin des dernières chaussures de ville que je venais d’acheter avant de partir comme cela m’est déjà arrivé quelques années en arrière ? Allais-ce être juste un cap à passer ou quelque chose d’exponentiel qui me pousserait à un retour prémédité et destructeur ? J’avoue avoir un temps douté de l’impact futur de mon nouvel appartement. À quoi bon bosser deux ans à fond tout en se rendant dépendant des banques non pas pour perpette mais presque pour se construire un petit nid douillet à son image et le quitter sitôt terminé ? Je sais maintenant qu’il joue un rôle très important d’attache en ce sens que je sais où sont mes racines, ou du moins où est ma maison. Là où il me faudra revenir. De plus, il me dédouane d’avoir à répondre d’une vie de cigale. Moi aussi, j’ai su construire quelque chose. Tout ça pour dire qu’étrangement, après cinq mois de solitude théorique je ne ressens en rien le besoin de rentrer maintenant. De nombreuses personnes me manquent déjà beaucoup, mais Internet et Skype aident à réduire la distance. Garder un contact par le verbe ou la parole à cela de magique qu’il permet de refaire le plein de quotidien. Dieu que la banalité a du bon.

Voici déjà un mois que je suis à Pékin. Le voyage continu même si celui-ci a pris une tournure beaucoup plus sage. Mon quotidien est désormais composé de choses très simples. L’essentiel reste la préparation technique et logistique de la suite. Les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas. Le temps file avec une rapidité difficilement palpable. J’habite toujours chez Pascale et Charlie. Les températures restent clémentes malgré quelques vagues de froid annonciatrices de l’hiver pékinois. Je mange bien. Mémé te voilà rassurée…

Pour résumer mon quotidien ici, lors du départ de Charlie en France, il m’a fallu redéfinir rapidement les besoins en matériel pour adapter la voiture à l’environnement futur et profiter d’un fret gratuit d’une partie du matériel à son retour. Moins cinquante degrés, cela se prépare et pas à la légère. Malgré les conseils parfois avisés des personnes qui me demandent d’assurer un hivernage complet à Pékin, j’ai décidé d’arrêter de courir après la montre afin d’éviter la morsure de l’hiver et de me jeter dans la gueule du loup. Peu importe les conditions extérieures si l’on est préparé à cela. C’est donc décidé, j’affronterais l’hiver le plus rude que l’on peut trouver sur notre petite planète après l’Antarctique. Et avec un véhicule diesel, ce qui n’est pas une mince affaire. Je ne sais pas encore ce que je vais y trouver, mais le simple fait d’élaborer ce nouveau défi me stimule et me tire en avant. Le challenge est donc de taille, car l’Isbamobile n’a jamais été prévue pour supporter de telles températures. Son ami pilote non plus.

Il faut donc revoir beaucoup de choses comme mon équipement personnel ainsi que la protection du moteur et de toute la ligne d’alimentation de gasoil. Pour ceux que la technique intéresse, je peux dire que je vais utiliser des technologies utilisées pour rouler à l’huile de colza en réchauffant tous les filtres et plusieurs endroits stratégiques de la ligne de gasoil pour le porter juste avant le moteur à une température d’environ 40°C.

Pour ce qui est de mon équipement personnel, Frédérique, une copine de Pascale, a pu me rapporter une paire de bottes prévues pour les expéditions polaires et supportant des températures de –70 °C. Voilà pour les engelures des pieds. Pour le reste, tout est encore chez le couturier où je fais rajouter 1500 grammes du meilleur duvet que l’on trouve ici dans une copie de blouson Canada Goose, un modèle prévu également pour les expéditions polaires. Je fais aussi rajouter une peau de renard supplémentaire dans le col ainsi qu’une jupe anti-froid et une cordelette de serrage. « Le Monde pour Passager » n’est plus un simple vagabondage, mais devient une vraie expédition où le moindre détail compte.

Fred n’a pas seulement rapporté une paire de bottes. Elle a été surtout le compagnon idéal pour découvrir la Chine des estampes en jouant les touristes dans les parcs et allées des lacs à côté de la maison, de la colline au charbon, du palais d’été et bien sûr de la Cité Interdite. Un contraste amusant devant une Chine en plein changement. Je ne sais pas d’où venaient mes idées reçues, mais je découvre une Chine pleine de promesses.

Le retour de Charlie annonçait le retour des balades en voiture dans la campagne pékinoise et des parties de tennis, mais avait surtout un goût de Noël en avance. Dix-sept kilos de réchauffeurs de gasoil et de chaudières autonomes. Un vrai bonheur et surtout le résultat d’une mobilisation générale en France avec comme acteurs principaux mon père et ma sœur, mais aussi Eberspächer, Foxy, Flexogreen et Euro4X4parts. L’équipe des partenaires a pu rivaliser d’ingéniosité pour définir la nouvelle donne pour l’Isbamobile. Cependant, il reste encore une quarantaine de kilos à acheminer. Le coût du transport reste ma préoccupation majeure du moment. Qui veut venir faire ses courses de Noël à Pékin ? Il y a des vols à 550 euros…