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6/13 – Kilomètres 18 650 : Ulan Bator, Mongolie, 11ème semaine.

Depuis Novossibirsk;

Que d’aventures depuis le dernier mail au Turkménistan ! La course aux visas est presque terminée puisque mon visa russe est valable jusqu‘en avril. Le visa mongol se termine le 30 août, mais je pourrais le prolonger une fois atteint Ulan Bator à 3 000 kilomètres de Novossibirsk dont 1700 de hors-piste boueux. Donc de ce côté-là, tout va bien et il n’y a guère plus de prétextes pour ne pas profiter pleinement de ce fabuleux voyage.

J’ai quitté Quentin à Tachkent le 8 août. Depuis Téhéran, nous avons passé un mois vraiment sympa, d’abord accompagné de Ciamak puis de Nadira et Nargiza, deux jeunes vendeuses de souvenirs de Boukhara. Chacune parle une dizaine de langues. Nous avons passé une semaine pleine en leur compagnie dans un périple qui nous a menés jusque Samarcande. Sept jours de bons délires et de découvertes fantastiques. La pureté et la gentillesse de ces deux filles n’ont d’égal que la beauté de leur ville native. Plus que Samarcande dont j’espérais beaucoup, Boukhara restera vraiment un bon moment de ce voyage.

Après Tachkent, j’ai filé en solitaire vers Almaty. Le retard accumulé ne me permettait de traverser le pays qu’en six jours alors que j’avais initialement un visa d’un mois. J’ai donc passé trois jours à Almaty et traversé le pays en trois…fois rien. Quel dommage, le pays a tant à offrir. Mon visa se terminait le 13 août, je suis arrivé à la frontière vers 16 heures, mais les douaniers sont si pointilleux qu’il a fallu huit heures pour que je sorte du pays avec le risque permanent de passer le poste de police après minuit ce qui à coup sûr aurait posé des problèmes. La corruption est dans ce pays déjà bien présente. Le mot « souvenir » est dans la bouche de tous les policiers…

Si je suis resté si longtemps à Almaty, c’est surtout qu’en traversant un petit bras de rivière, j’ai cassé le pont avant. Depuis l’Ouzbékistan, je suis donc en deux roues motrices et cela cause pas mal de problèmes, car la fréquence des plantages n’est pas du tout la même qu’en quatre roues motrices. L’auto est très lourde et a besoin de tout son potentiel pour se sortir de tous les pièges dans laquelle je la mets. Il semble inconcevable de traverser la Mongolie de cette manière. Voilà pourquoi, j’ai aussi passé quelques jours à Barnaul, première grande ville après le Kazakhstan. J’y ai trouvé toutes les pièces nécessaires à la réparation alors que de son côté Alain avait déjà tout préparé en France pour que DHL me livre les pièces dans les plus brefs délais. Merci encore pour cette efficacité.

À Barnaoul, j’ai rencontré Alex. Un jeune Russe de vingt ans qui pour se faire un peu d’argent pendant ces vacances, transite des voitures japonaises depuis Vladivostok, sa ville natale. Le jour où je l’ai rencontré, il venait de vendre une auto si bien qu’il lui fallait retourner à Vladivostok. Sous prétexte de pratiquer son anglais, il a demandé à ses parents si l’on pouvait faire un brin de chemin ensemble. Il a pu me raconter comment comme dans les films, il s’est fait arrêter par quatre voitures (devant, derrière et sur les côtés) et racketté de dix euros. Un banditisme qui est très courant sur les routes que je vais emprunter…nous venons de passer sept jours à faire la fête tous les soirs. Nous nous sommes d’abord contentés des nuits de Barnaoul pour enfin aller à Novossibirsk. Où en direct, j’ai pu vivre la jeunesse russe : bières devant le supermarché jusque sa fermeture, boite de nuit, paris et casinos la journée. je vous rassure, je suis resté très sage…

J’y ai rencontré une multitude de personnes vraiment sympas, dont Olga, Eugeny et Eléna, trois jeunes de la nouvelle middle classe russe. Les deux filles sont profs d’anglais et préfèrent travailler dans un institut privé pour 500 à 700 dollars par mois plutôt que les 300 à 400 dollars offerts par les universités. De son côté, Eugeny bosse dans le bâtiment, un secteur en plein développement pour 1 000 dollars mensuels. Nous avons passé de bons moments à squatter les toits des immeubles ou encore à aller à la plage de Novossibirsk. Oui, il y a même plusieurs plages de sable qui sont bondées de juin à juillet.

À Novossibirsk, j’ai squatté pendant une semaine le parking du meilleur hôtel de la ville. La raison en était simple : situé en plein centre, c’était un endroit stratégique pour les visites et pour garder la voiture, mais surtout j’allai y prendre ma douche tous les jours vers midi. À la fin, le personnel me prenait pour un client, mais la sécurité a fini par venir me poser quelques questions sur mon numéro de chambre si bien que j’ai dû repasser au mode « douche dans la forêt ». Le problème c’est que sur les 1500 kilomètres plein nord pour rejoindre la Russie, j’ai perdu pas loin de 20°C. Au plus chaud, le jour, il fait maintenant 15°C. Les douches deviennent donc de plus en plus difficiles à prendre. Hier, j‘ai testé le système à ses limites. Il faisait trois degrés : les préparatifs sont alors extrêmement importants. Il faut disposer la voiture de manière à ce qu’elle me protège du vent. Préparer shampoing, savon, serviette et affaires propres de manière à en disposer facilement. Je vérifie deux fois le système de chauffe et mets en route le chauffage à air pulsé que j’envoie dans ma direction. Je venais de passer la journée à faire de la mécanique si bien qu’une douche était obligatoire (honnêtement, je me suis posé la question cent fois). Il subsiste parfois des coupures électriques liées à la mauvaise qualité des contacts des prises allume-cigare si bien que pour cette première douche grand froid j’avais décidé de ne pas couper la pompe pendant le savonnage, n’étant pas sûr qu’elle reparte…Et bien, alors que j’étais à poil, shampouiné et savonné comme il faut, la pompe a déjaugé. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas assez d’eau dans le jerrican. Il m’a fallu alors faire le tour de l’auto (plein vent) pour reremplir le jerrican et me rincer dare-dare. Je ne parle même pas des moustiques, mais j’étais tellement heureux d’être rincé que j’ai vite attrapé ma serviette et me suis habillé aussitôt. Ce n’est qu’à ce moment que je me suis rendu compte que je n’avais pas éteint la pomme de douche et l’avais posé sur le siège conducteur…qu’est-ce que cinq litres d’eau dans une vie ?

Depuis, le début, je me pose des questions sur la nécessité d’aller aussi loin en si peu de temps. La rencontre de certains des 300 participants du « Mongol Rallye » aura fini de me calmer et mettra un terme à toute hésitation. Ce rallye organisé par des Anglais n’est pas une compétition : il s’agit juste de rallier Londres à Ulan Bator dans une voiture de moins d’un litre de cylindrée en empruntant la route de son choix. L’objectif est d’offrir la voiture à l’arrivée à une association caritative, mais surtout de vivre des galères sans nom, car les autos sont toutes très âgées et les préparations n’y sont pas autorisées. Malheureusement, malgré cette idée géniale, certains n’ont quitté Londres que deux semaines plus tôt. Je me dis qu’ils ont dû louper un paquet de choses, eux aussi. Il y a toujours plus malheureux que soi…

Après 3 000 kilomètres me voici à Ulan Bator. Vu la météo exécrable lors de mon départ de Novossibirsk (deux jours de pluie et une demi-journée de neige fondue), j’ai préféré faire la plus grande partie du chemin en passant par le nord, par la Russie sur une route asphaltée. Six jours et six cents litres de gasoil à soixante-six kilomètres-heure de moyenne en incluant les pannes successives. La voiture commence à faire des siennes de toutes parts . Je vais donc faire un arrêt technique pour réparer le pot d’échappement, le frein à main, le préchauffage, la commande d’embrayage et tous les petits pépins qui n’empêchent pas de rouler, mais qui finissent par agacer. Si je passe sur la journée d’hier avec de gros problèmes avec la douane russe suite à une erreur du fonctionnaire qui m’a enregistré de nuit à mon entrée dans le pays (70 euros d’amende plus 5 heures la voiture sous saisie), globalement tout continue à bien se passer. Je vais vivre deux semaines avec mon pote Chucka, rencontré six ans auparavant lors de mon premier voyage en Mongolie. Nous n’avons pas encore décidé du parcours, mais je suis sûr que ce sera encore une expérience incroyable et encore si différente des précédentes. Voici donc les richesses que j’accumule sur ce périple, car du côté du sonnant et trébuchant je suis plutôt inquiet, car la consommation de l’auto, le poste principal de ce voyage avec les réparations et l’entretien, est gargantuesque. Je n’arrive pas à descendre en dessous de 20 litres de consommation par heure, peu importe la vitesse. Un surcoût qui entame de beaucoup les prévisions…. Mais c’est peut-être ça la véritable aventure….On verra bien jusqu’où le vent me mène….Ce qui est sûr c’est qu’il fera très froid, très bientôt…

Bonne rentrée à tous…

Marc