Sablage, aérogommage ou microbillage ? Quelle technique est la meilleure pour enlever la rouille de nos voitures anciennes ? Y a t il vraiment une différence de procédé ou ces différents termes sont la simple déclinaison selon le substrat d’une technique de projection à haute pression ? Laquelle est la plus efficace, la moins agressive et la plus écologique ? Pour répondre à ces questions nous avons apporté notre caisse et tous les éléments métalliques nécessitant d’être repeints chez Aérocline à Saint-Ouen l’Aumone (95). L’occasion d’en apprendre beaucoup et surtout de donner une nouvelle jeunesse à notre Land Cruiser FJ55 car, vous allez le voir plus bas, le résultat est spectaculaire. Il n’y a qu’une mise à nue de la tôle qui permette d’évaluer réellement l’état de corrosion de notre auto, et par la suite, d’agir en conséquence.
Pour commencer, un peu de technique :
Qu’est-ce que le sablage ?
Le sablage est un procédé de nettoyage et décapage mécanique par projection de grain de sable dans un flux d’air ou d’eau à haute pression (8 à 10 bars pour l’air). La surface traitée est mise à nue et retrouve ainsi son aspect d’origine avec une rugosité de surface qui facilite l’accroche de peintures.
Avantages : décape, nettoie, désoxyde, dégraisse et crée une rugosité qui facilite l’adhérence.
Inconvénients : agressif, déformation et chauffe possible du support, état de surface rugueux. Contient de la silice qui provoque la silicose, une maladie pulmonaire. Très grosse consommation d’abrasifs (jusqu’à 250kg par heure). Enlève les protections des tôles de carrosserie (électrozingage, …)
Qu’est-ce que l’aérogommage ?
C’est le même principe que le sablage à air, mais en version soft. En modifiant la nature de l’abrasif projeté et en réduisant la pression (on parle maintenant de basse pression, entre 1 et 8 bars), on créé l’aérogommage. L’abrasif est plus fin (l’unité est le mesh) et de plusieurs natures, minérales ou organiques (agrégat de roche volcanique, corindon, coquille de noix ou noyaux d’abricots), mais cela peut être du bicarbonate de soude ou même de la glace (dans ce dernier cas, on parle de cryogénie et plus d’aérogommage). Comme l’abrasif est très dur, cela réduit la production de poussière.
Les paramètres de réglages principaux sont la nature de l’abrasif et sa taille, la pression exercée et le type de buse de la lance. Pour un résultat correct, il faut un compresseur de très gros débit (minimum 2500 litres par minutes). Du coup, les compresseurs de bricoleur ne sont pas adaptés, leur débit d’air est bien trop faible, mieux vaut louer un compresseur de chantier si vous tenez à tout faire vous même.
Avantages : La technique est plus douce que le sablage et permet d’être utilisée sur tous supports (métal, bois, cuir…). Par exemple, les filetages ne sont pas abimés. Parfaitement adapté à la restauration de voitures anciennes.
Inconvénient : Ne fonctionne pas sur les revêtements caoutchouteux (assèche le caoutchouc ) et blaxon (l’abrasif rebondi).
Qu’est-ce que le microbillage et le grenaillage ?
Le microbillage, comme le grenaillage, est un aérogommage où l’abrasif projeté est rond (bille d’acier, de verre ou de céramique). Cela confère un aspect satiné à la pièce ainsi martelé.
Avantages : C’est un excellent procédé pour nettoyer les soudures et qui permet aussi de meilleures propriétés de résistance mécanique en bouchant des microfailles de surface sur les pièces de fonderie (très utilisé en industrie).
Inconvénient : Il faut bien nettoyer les pièces après un grenaillage car les grains qui restent sur la pièce ont tendances à s’oxyder.
Fort de ces données, nous avons choisi l’aérogommage pour notre auto. Il ne restait plus qu’à trouver un aérogommeur près de l’atelier, si possible dans le département 95. Ce fut chose faite grâce réseau Aerogomm.com. Nous trouvons alors Aérocline95 à Saint-Ouen L’Aumône. Coup de bol, Laurent et Erveline sont des passionnés qui ont l’habitude d’aérogommer de vielles autos.
L’aérogommage utilise une palette très large de produits de projection : agrégats de roches volcaniques (granulométrie de 350 à 30 mesh (unités spécifiques)); corindon, coquille de noix, noyaux d’abricots, bicarbonate de soude. L’agrégat se réutilise deux/trois fois.En plus de la pression de sortie, la granulométrie joue tout autant que la dureté de la substance projetée.
L’aérogommage en images : Quel matos pour les pros ?
Voici l’aérogommeuse. Elle ressemble à une sableuse mais fonctionne à basse pression avec beaucoup moins d’abrasifs. Celle-ci à une cuve de 40 litres. Cela permet de travailler presque 30 minutes sans recharger.Voici pourquoi un professionnel aura toujours l’avantage sur un amateur : son compresseur d’air. Celui-ci délivre réellement 3500 litres /minutes contre 270 litres/minutes pour un compresseur 3CV bi-cylindre du commerce. La cuve tampon fait aussi 500 litres.Derrière le compresseur et avant l’aérogommeuse se trouve un assécheur d’air. Comme l’abrasif est très fin, avec un air bien sec, on évite tout problème de bourrage.L’aérogommage est une activité qui génère de la poussière et qui peut être dangereuse pour la peau en cas de contact direct. Il faut donc se protéger en conséquence. Le casque est alimenté en air frais.L’agrégat de roches volcaniques concassées choisi par Laurent pour nos pièces mécaniques fait 200 mesh (par comparaison, la farine est à 300 mesh). Une fois tamisé, il pourra le réutiliser deux ou trois fois.Le mesh est une unité US. Plus la granulométrie est petite, plus le chiffre est grand. En aérogommage, les produits utilisés vont de 30 à 350 mesh.Selon le type de travail et de surface, Laurent utilise deux types de pistolet, mais il ne peut n’en utiliser qu’un seul à la fois.
Voici les pièces que nous allons soumettre aux premiers tests.
Premier test, une barre épaisse complètement rouillée et dont la rouille est déjà bien rentrée en profondeur. Comment vont ressortir les vaguelettes crées par la rouille ?Le métal est bien creusé. Pour autant, le martelé est assez doux. Pour un aspect esthétique parfait, il faudra soit meuler la pièce, soit lui appliquer un métal d’apport, ou un mastic. Sur une telle pièce, le sablage aurait aussi fait l’affaire.Où c’est plus intéressant, c’est sur cette pièce mixte métal plastique. Si l’aérogommage tiens ses promesses, le plastique ne devrait pas être altéré.Pari gagné, le métal est décapé et le plastique est toujours là.Sur cette pièce fine, pas de corrosion mais une peinture difficile a enlever sans laisser des traces de ponçage.La distance d’application est d’environ 20 centimètres.Le résultat est parfait et le grain de 200 mesh donne une granulométrie très douce. On verra sur la caisse avec un grain plus gros ( 80 mesh) que la taille a vraiment son influence sur l’aspect final.Notre mastervac de frein semblait bien abimé. On sait d’expérience que le liquide de frein est très corrosif pour les peintures.Pour autant, l’attaque n’était que superficielle. Notre mastervac est doté d’une tôle épaisse et sera comme neuf une fois repeint.On note au passage que les filets des vis ne sont pas abimés. L’aérogommage permet de décaper en douceur des zones sensibles.Ce couvercle de phare fait partie des pièces a tester car d’origine, il y a un bichromatage pour éviter toute corrosion.Là, pas de surprise, même sur un autre morceau de phare, la technique met le métal à nu. Tous les traitements anticorrosion d’origine disparaissent. C’est pourquoi, il va falloir aborder une stratégie anti-corrosion différente du constructeur.Quoi de plus symptomatique que la calandre ? Repeinte mainte et mainte fois, un retour au source devrait nous bien aider.Cette image résume tout. On imagine bien qu’il sera toujours plus simple de repeindre la partie droite que celle de gauche. Le décapage par aérogommage ne laisse pas de trace sur la pièce autre qu’un aspect de surface régulier et homogène.Voici, un avant/après, des portières avant. Attention, il est judicieux d’enlever les charnières car on ne sait jamais ce qui se cache derrière;On découvre quand même de légères traces qui indiquent les zones ou il a fallu insister (la porte était pleine de mastic pour mettre à niveau le patch en bas à droite).Par contre, l’aérogommage ne règle pas tout. Dans la mesure ou l’abrasif rebondit sur les joints et mastic, il faut absolument faire une deuxième passe après avoir enlevé tous les joints. Et c’est là que le corrosion résiduelle se cache. Impossible donc d’avoir une protection garantie à 100%.L’aérogommage dévoile tous les défauts des tôles. Votre restauration sera parfaite mais vous emmènera peut-être dans une nouvelle dimension car peut-être ne connaissiez-vous pas l’état réel de votre bijou ?Grosse erreur de ma part lors de la préparation : ne pas avoir enlevé cette plaque d’origine. Avec la poussière, l’opérateur ne voit pas tout et le temps de découvrir qu’il y avait une plaque, il était déjà trop tard. Un marouflage est possible mais malheureusement, cette plaque était bien cachée sur le flanc de portière.Ici aussi, Laurent insiste pour nous montrer que les filets ne sont pas abimés.Pas de mystère, l’aérogommage ne fonctionne pas sur les revêtements anti-gravillon. Idéalement, il faut les enlever au pistolet thermique, à la brosse métallique, ou au traitement chimique.Notre projet avance bien. Le résultat est spectaculaire. On retrouve une auto « neuve ».
Il est temps d’attaquer les choses sérieuses avec la caisse :
Notre caisse avait été l’objet d’un début de restauration haut de gamme entre 2008 et 2010. Malheureusement, l’ancien propriétaire n’est jamais allé au bout. l’auto est resté plusieurs années dehors sans protection, avec la tôle à nue. L’aérogommage va permettre de vraiment connaître l’état de la caisse. Nous croisons les doigts.C’est un autre Laurent qui prend les commandes. Les tôles Toyota sont épaisses. On peut se permettre un abrasif de 80 mesh pour une abrasion plus forte et la pression est remontée légèrement.En dix minutes, la tôle commence à faire son apparition.Avec la tôle, apparaissent des problèmes qui nous étaient inconnus. Rien de grave mais c’est ce qui est souvent reproché aux aérogommeurs : « pas moyen de mentir sur l’état réel de la voiture ».Ce qui est plus surprenant et de mauvaise augure pour moi, c’est l’état du flanc droit du toit. La dentelle fait son apparition. M….Côté passage de roue gauche, le problème est le même. Alors que rien ne transparaissait, ce n’est pas joli-joli. Il va y avoir du travail de soudure et d’étamage.Comme la tôle est mise à nue, il n’y a plus aucune protection. Ainsi une corrosion superficielle peut revenir très vite. Laurent ne perd pas de temps et applique au plus vite, une couche d’acide phosporique liquide. Cette protection phosphatante devrait nous permettre d’attendre la projection d’une résine d’apprêt en Epoxy de chez Upol.Le résultat est spectaculaire et laisse entrevoir un niveau de finition de qualité. Du coup, l’aérogommage nous mets la pression pour faire les choses bien. C’est ainsi que j’ai pris la décision de réaliser une réparation à l’étain de toutes les pièces qui en ont besoin.Voici la fine équipe d’Aérocline 95 : Erveline entourée de ses deux Laurent, n’hésitez pas à les contacter pour un devis.Notre caisse a rejoint l’atelier où il va falloir prendre soin d’elle. Le bilan est positif. Je suis à la fois admiratif du travail de restauration qui avait été accompli précédemment et pas trop déçu par les quelques points noirs qui sont apparus. La restauration continue. Prochain épisode : Soudure et étamage…
Combien coûte un aérogommage ?
La facturation se fait au temps passé. Pour une caisse, il faut compter au moins une quinzaine d’heures à 92 € HT de l’heure. Auxquelles il faut rajouter 250€ pour le passage d’un phosphatant.
Pour des opérations de type volets, la facturation se fait à la surface à 55€ HT du m2.
