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Vous reprendrez bien une tranche froide de gras de mouton ?

Bien moins expansifs que les Ouzbèks, les rencontres avec les Kirghizes réservent néanmoins de belles surprises. Les visages semblent fermés au premier abord. Cette froideur première ne masque qu’une grande timidité où la curiosité l’emporte vite : « Atkouda wy ? » (« D’où venez-vous ? »). La réponse : « France » déclenche immédiatement un sourire sur leurs beaux visages. Les Français ont la côte, mais il n’est pas toujours facile d’être le digne ambassadeur de son pays.

En effet, notre première immersion dans le quotidien d’une famille kirghize nous vaut quelques surprises culinaires. Le petit-déjeuner se compose de thé, de pain et de confitures maison. Jusqu’ici tout va bien ! La suite met à l’épreuve notre estomac. La mère de famille coupe de grandes et très épaisses tranches de gras de mouton froides : « Haaaa ! ». Nous avons l’impression de mordre à pleine dent dans une grosse plaque de beurre au goût très prononcé. Il est toujours compliqué dans ce genre de position de refuser un met de choix. Ceci d’autant plus qu’en marque d’honneur suprême, ils s’empressent de nous en offrir à profusion. Marc, perfide, tente de me refiler discrètement sa part. Cette fois-ci pourtant, mon courage alimentaire atteint ses limites. Nous aurons du mal à faire croire à nos hôtes que nous raffolons de ces gros morceaux de graisse. Heureusement, loin de s’en offusquer, ils en rient beaucoup. Un peu comme une bonne blague qu’ils nous auraient faite !

 

Il faut dire qu’ici, le mouton est omniprésent. L’élevage occupe une place très importante dans le pays. C’est d’ailleurs ce qui nous vaut le spectacle et la rencontre la plus surréaliste au Kirghizistan. Au matin d’un bivouac dans une superbe zone montagneuse, un berger arrive à cheval. Il discute un peu avec Marc, regarde son livre et scrute scrupuleusement les images d’éleveurs en Mongolie. Hasard de la conversation, Marc évoque avec lui le Buzkashi ouzbèk, ce combat à cheval pour s’emparer d’une dépouille de mouton. Notre homme s’en va comme il est venu. Deux heures plus tard, nous le voyons revenir, accompagné de trois autres cavaliers. Nous avisons alors un mouton fraîchement décapité sur une des selles. Notre éleveur nous dit très simplement : « Nous venons de tuer une bête pour vous montrer comment nous pratiquons le Buzkashi chez nous ». Et c’est parti pour une petite partie improvisée devant nos yeux ébahit ! Sur fond de montagnes encore enneigés, ils nous miment une bataille autour de la carcasse et se prêtent volontiers au jeu de l’appareil photo. Le père dirige les actions de nos joueurs, à la fois hilares et fiers. Au-delà de l’insolite, la scène est grandiose. Et vous ? Que voyez-vous de votre fenêtre au réveil en mangeant vos tranches de gras de mouton?